TRIOLET, Elsa (1896-1970)

Autograph letter signed « Elsa » to Georgik [Georges Sadoul]
Moscow, 2nd July [1932], 3 p. grand in-4°, à l’encre bleue

« I have not read the manifesto of the surrealists. No interest in these operatic howls that they scream in their corner »

EUR 1.200,-
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TRIOLET, Elsa (1896-1970)

Autograph letter signed « Elsa » to Georgik [Georges Sadoul]
Moscow, 2nd July [1932], 3 p. grand in-4°, à l’encre bleue
Tears on folds, some slight missing bits on margins, discreet tape repairs (see scans)

Long letter from Elsa Triolet sent from Moscow, during her trip to Russia with Aragon
After giving a long description of her birthplace, she makes an allusion, not without bitterness, to the break up between her companion and the surrealist group, which had occurred three months earlier.


« Cher Georgik,
Il fait très beau, très chaud avec des grands orages. Nous habitons une grande pièce, en salle à manger avec buffet sculpté, rideaux en tulle, déchirés, quelques consoles et deux lits en fer. Tout à fait confortable.

Il y a maintenant du savon à volonté et tout le monde est très propre, ce qui est agréable, car les tramways sont pleins comme de votre temps. Moscou a beaucoup embellie, étonnant comme changement, puis c’est l’été – les arbres sont verts et les gens marrons, brûlés par le soleil comme à la campagne. Des bandes d’enfants demi-nus, portent des caleçons de bains. Dans notre cour, impressionnés par notre arrivée, ils jouent à l’arrivée de l’étranger et se foutent de mon chapeau en cuir parce qu’il ressemble à un ballon de football. Le sois la même cour avec des bancs et des arbres et pleine d’amoureux. Ils ont tous seize ans. On se couchent [sic] très tard dans ce pays, les gens arrivent chez vous tranquillement à minuit, les tramways marchent jusqu’à 2h du matin. Le métro se construit tout près de nous, c’est une réalité.
Nous partons à Leningrad [Saint-Pétersbourg] dans deux jours. Il est question d’un long voyage pour plus tard. À l’Oural peut-être [Triolet et Aragon feront ce voyage dans l’Oural en septembre 1932] avec une brigade (Bersena Yarrenski che), ou simplement chez Lili, sans brigade.
Aragon a écrit à Buñuel à propos de B.
[André Breton]. Ceci est la tendance du moment : acheter tout ce que se laisse acheter. Mais personne n’a aucun doute sur la vénalité du personnage. Avec ça il faut continuer à attaquer « Monde » [revue culturelle et politique fondée par Henri Barbusse], sans l’attaquer, tout en l’attaquant !! Enfin la révolution n’est pas encore écrite, on l’a confiée à Yarensky à qui on a donné un collaborateur pour combattre le sectarisme de Y-Y. Il est inutile de discuter, les décisions sont prises d’avance et changeront qu’avec des changements de situation politique.
Je n’ai pas lu le manifeste des surréalistes
[Second Manifeste du Surréalisme publié par Breton en 1930]. Aucun intérêt pour ces hurlements d’opéra qu’ils poussent dans leur coin. Pac a écrit à Aragon une lettre piteuse. De profundis !
Ci-joint des recommandations pour Norah
[Sadoul]. Qu’elle commence par la maison Lyolène, place Vendôme, c’est moins putain qu’ailleurs [Maison de haute couture fondée en 1929 et située au 16 place Vendôme à Paris]. Il faut demander M[ada]me Hélène de ma part, elle sera bien reçu[e].
Agnès-Drecoll place Vendôme
[Maison de haute couture située au 24 place Vendôme à Paris] (trouver les numéro[s] dans l’annuaire) demander M[ada]me Tamara une bel-amie à moi, qui y est comme vendeuse. Elle fera ce qu’elle pourra ce qui n’est peut-être pas beaucoup.
Bernard (avenue de l’Opéra 33, je crois) demander M[ada]me Weber, modéliste dans la maison. Elle est gentille. Son mari a été à [au Lycée] Carnot avec Aragon.
[…Elsa Triolet poursuit ses recommandations pour Norah]
Mettez les recommandations dans des enveloppes. Je n’ai vraiment pas pensé que je pourrai avoir besoin de cartes de visite ici !
Gavez bien Norah pour qu’elle soit bien portante et belle.
Comptez-vous venir ici ? Je ne le crois pas !
Nous espérons pourvoir faire venir Buñuel.
Je vous enbrasse vous et Norah.
Elsa
Embrassez les trois baby de ma part. Ne l’oubliez pas. »


The writer gives here many details about her installation with the one who is still only her companion. She then evokes her bitterness towards André Breton, whom she names here only with his initial “B.”, who tries to keep links with the filmmaker Luis Buñuel. It should be noted that Aragon had already distanced himself from the Surrealist group the previous year by denouncing the aesthetics of the movement in his poem Front rouge, while defending his Marxist-Leninist position (which earned him a charge of incitement to murder).
André Breton, who first defended his friend, then wrote the text Misère de la poésie, to claim the autonomy of poetry. Aragon does not recognize himself in Breton’s text and signifies his break up with him and the surrealist group in L’Humanité of March 10, 1932.
Triolet concludes giving a clear opinion on the question by claiming not to have read the Manifesto of Surrealism (allusion here to the second edition, published in 1930).
Finally, it ends with clothing recommendations for the companion of its correspondent, Georges Sadoul (1904-1967, French film critic and historian). At that time, the writer made necklaces for haute couture, on the sidelines of her literary production.