ZOLA, Émile (1840-1902)
Lettre autographe signée « Emile Zola » à Joseph Canqueteau
Paris, 10 mars 1885, 2 p. in-8°
« L’idée première de “Germinal” est déjà très lointaine… »
Fiche descriptive
ZOLA, Émile (1840-1902)
Lettre autographe signée « Emile Zola » à Joseph Canqueteau
Paris, 10 mars 1885, 2 p. in-8°
Petites fentes aux plis, légères taches
Dans une belle lettre écrite une semaine après la sortie en volume de Germinal, Zola dresse un panorama de certaines des œuvres les plus emblématiques des Rougon-Macquart
Provenant de la collection B. & R. Broca
« Merci, cher monsieur, de votre bonne sympathie. C’est en effet pour la jeunesse que j’écris, et c’est par elle que je serai, si je dois être.
L’idée première de “Germinal” est déjà très lointaine. Lorsque j’ai écrit “l’Assommoir”, j’avais réservé cette autre face du peuple, l’ouvrier souffrant des grands centres industriels. Tous les romans de ma série ont été arrêtés à peu près en même temps, et chacun d’eux vient simplement à son heure.
Je vais sans doute, comme vous le supposez, étudier maintenant le monde des artistes, en reprenant mon Claude Lantier [L’Œuvre]. Mais le roman militaire, celui où je compte mettre Sedan [La Débâcle], est loin encore, car il ne viendra guère que dans six ou sept ans : il est l’avant dernier de la série.
Bien cordialement à vous
Emile Zola »
On sait qu’avant même de rédiger le premier roman de sa série, Zola dresse dès 1868 un arbre généalogique de ses personnages, puis une chronologie de ses romans. D’abord prévue en dix volumes, l’écrivain revoit ses ambitions à la hausse. Ce seront au total vingt romans écrits entre 1870 et 1893. Cette lettre permet ainsi de prendre la mesure de l’organisation quasi millimétrée que l’écrivain s’impose, jusqu’à prévoir avec assez de précision, « dans six ou sept ans », la sortie de La Débâcle. Car en effet, l’avant dernier volume de la série parait durant l’année 1892.
Artiste bohème déjà présent dans Le Ventre de Paris mais dont le rôle n’est que mineur, Claude Lantier (grand frère d’Etienne, le héros de Germinal) devient le protagoniste principal dans L’Œuvre. Le destin de ce peintre maudit (dont les traits rappellent ce de Paul Cézanne) est funeste, à l’instar de sa mère Gervaise Macquart dans L’Assommoir. Ce quatorzième roman de la série parait chez Charpentier l’année suivante, en 1886.
On connaît la lettre que Joseph Canqueteau, sur le point de faire une conférence sur Les Rougon-Macquart, adresse à Zola pour lui demander quelques renseignements (tout en ayant vu juste) : « Nous sommes là une réunion de jeunes, qui vous aimons bien, je vous l’assure, et savoir vous défendre à l’occasion. Vous avez la jeunesse pour vous, cher maître, c’est là un rude appoint. Nous apprécions vivement l’honneur que vous nous avez fait en acceptant le titre de membre d’honneur de notre jeune conférence. Quel puissant livre que Germinal ! […] Je vous serais obligé, cher maître, de me dire à quelle époque au juste vous avez eu l’idée de cette vaste étude sociale ? La vie militaire et la vie artistique ne feront-elles pas l’objet de deux prochaines œuvres ? ».
Provenance :
Collection B. & R. Broca
Bibliographie :
Correspondance, t. V, éd. du CNRS, p. 241-242, n°185