BRASILLACH, Robert (1909-1945)
Lettre autographe signée « Robert Brasillach » à Thierry Maulnier
[Prison de Fresnes], 30 janvier 1945, 1 p. in-8°
« Crois que tout cela vient me tenir chaudement compagnie dans ma cellule et me fait négliger les chaînes de fer »
Fiche descriptive
BRASILLACH, Robert (1909-1945)
Lettre autographe signée « Robert Brasillach » à Thierry Maulnier
[Prison de Fresnes], 30 janvier 1945, 1 p. in-8°
Pliure centrale inhérente à la mise sous pli d’époque
L’une des dernières lettres de Robert Brasillach, une semaine avant d’être fusillé pour collaborationnisme pendant l’Occupation
« Cher Thierry,
Je sais depuis longtemps déjà toute ton activité et ton amitié. Cela m’est agréable de penser que je n’en ai jamais douté, même aux années où nous étions éloignés. Il y a près de vingt ans déjà que nous faisions connaissance dans les classes et la cour de Louis-le-Grand. En ces temps plus heureux, nous aurions pu célébrer dans ton atelier par quelque cérémonie bouffonne l’anniversaire de Fulgur, comme lorsqu’on inaugurait ton buste… Je n’ai pas envie, malgré tout, de parler de choses tristes. Mais ce m’est un grand réconfort que de retrouver en des heures graves les visages de notre jeunesse et de vraie amitié. D’autres se sont montrés lâches et oublieux. Nous n’avons jamais entre nous employé de bien grands mots ; tu peux me croire si je te dis que je garde dans mon cœur ce que tu fais. Remercie aussi Marcelle Tassancourt d’avoir fait des démarches pour moi, comme me l’a dit mon avocat. Crois que tout cela vient me tenir chaudement compagnie dans ma cellule et me fait négliger les chaînes de fer. Et crois surtout à mon amitié.
Robert Brasillach »
Camarades de banc au lycée Louis-le-Grand, Brasillach et Maulnier, avec six autres de leurs amis, marquent les esprits en publiant Fulgur (ici évoqué) en 1927, roman-feuilleton policier et fantastique. Si les deux amis cultivent une certaine idéologie maurassienne proche de l’Action française au début des années 1930, la trajectoire idéologique de Brasillach, devenu en 1937 rédacteur en chef de l’hebdomadaire collaborationniste Je suis partout, prend une tournure radicale. Devenu le chantre de la collaboration, il véhicule sa haine des Juifs, du Front populaire, de la République et son admiration du Troisième Reich, dont il a sans cesse espéré le triomphe en France.
Le pamphlétaire se constitue prisonnier en septembre 1944 après que sa mère et son beau-frère aient été arrêtés pour faire pression sur lui. Emprisonné à Fresnes, il est inculpé pour intelligence avec l’ennemi. Quand son procès s’ouvre le 19 janvier 1945, il est condamné à mort le jour même après une délibération de vingt minutes. Une importante pétition d’artistes et d’intellectuels renommés, à l’initiative de François Mauriac, Jean Anouilh et Marcel Aymé, demande au général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire, la grâce du condamné. Le général choisit de ne pas commuer la peine prononcée, ce qui entraîne l’exécution de la sentence : le jeune écrivain de 35 ans est fusillé au fort de Montrouge le 6 février 1945, à 9h40.
Provenance :
Archives Thierry Maulnier
Lettre inédite ne figurant pas dans Lettres écrites en prison (Les sept couleurs, Paris, 1952)