ARTOIS (d’), Comte de Chambord, Henri (1820-1883)

Lettre autographe signée « Henri » à son cercle intime légitimiste
Frohsdorf [Autriche], 30 janv. 1852, 5 pp. in-4°

« Je conserve la douce et ferme espérance qu’un jour viendra… où il me sera donné après tant d’années d’exil de revoir enfin notre chère patrie, et de me dévouer tout entier à son bonheur et à sa gloire »

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Fiche descriptive

ARTOIS (d’), Comte de Chambord, Henri (1820-1883)

Lettre autographe signée « Henry » à son cercle intime légitimiste : Barthélemy-Sauvaire, Benoist d’Azy, Berryer, des Cars, de Clermont-Tonnerre, de Falloux, de Noailles, de Rainneville, de Pastoret, de St Priest, de Valmy et de Vatimesnil
Frohsdorf [Autriche], 30 janv. 1852, 5 pp. in-4°, liseré de deuil
Petites rousseurs et décharges d’encre, légères décharges d’impression sur la huitième page (vierge)

Longue et importante lettre à ses plus fervents soutiens royalistes, deux mois après le Coup d’État de Napoléon III et l’instauration par celui-ci de la Constitution du 14 janvier 1852

« En présence des éventements qui se déroulent devant nous, plus que jamais je reste fermement persuadé, que ce n’est qu’à l’ombre du principe tutélaire qui pendant tant de siècles a si glorieusement présidé à ses destinées, que la France pourra retrouver un jours son repos, son bonheur et ses libertés »


« Messieurs, la note confidentielle rédigée au nom de la conférence m’a été communiquée. Après l’avoir lue avec une sérieuse attention, je reste convaincu, comme la plupart d’entre vous, que le moment est arrivé de mettre fin à la mission que je vous avais confiée, et que vous avez remplie avec un dévouement et un zèle dont je ne saurais trop vous remercier. Les évènements qui viennent de s’accomplir ont entièrement changé la situation des choses ; les raisons qui m’avaient porté à créer la conférence n’existent plus, et elle ne pourrait atteindre aujourd’hui le but que je m’étais proposé. […] Je craindrais aussi que cette réunion qui était devenue pour ainsi dire officielle et publique, ne pût servir de prétexte à des persécutions qui m’affligeraient profondément. Les mêmes motifs me déterminent à prononcer la dissolution du comité électoral, dont j’avais approuvé la formation, en la plaçant sous l’autorité de la conférence. Je désire que quelques-uns d’entre vous se chargent de porter à la connaissance du comité électoral ma décision à son égard, et qu’ils témoignent en même temps de ma part aux personnes qui en font partie toute ma gratitude pour les services qu’elles ont rendus et le zèle dont elles ont fait preuve. Je me réserve le pouvoir, à mesure que les circonstances l’exigeront, aux moyens de donner une direction à nos amis et de leur faire connaître mes intentions. […] Je suis heureux et fier que ce soient mes amis qui aient donné l’exemple de ce courage civique, si rare de nos jours, ne craignant pas de s’exposer à tous les périls pour résister à la violence et à l’arbitraire.
Messieurs, en me plaçant encore une fois, mais hélas seulement par la pensée et par le cœur, au milieu de vous, je crois utile de vous exposer mes sentiments et mes vues, au moment où commence cette nouvelle phase de nos longues révolutions. Vous trouverez dans mes paroles une règle de conduite, pour répondre aux questions que vont sans doute vous adresser un grand nombre de nos amis, qui savent toute la confiance que j’ai en vous. En présence des éventements qui se déroulent devant nous, plus que jamais je reste fermement persuadé, que ce n’est qu’à l’ombre du principe tutélaire qui pendant tant de siècles a si glorieusement présidé à ses destinées, que la France pourra retrouver un jours son repos, son bonheur et ses libertés. Mais fidèle à la loi que je me suis faite, je ne veux pas ajouter encore aux difficultés, aux embarras de la position actuelle. Que mes amis suivent mon exemple, qu’ils continuent, comme ils l’ont déjà fait, à favoriser, à seconder même les mesures que prend l’autorité pour combattre, pour anéantir, s’il est possible, le désordre et l’anarchie. Qu’ils se montrent constamment et partout les meilleurs, les plus zélés défenseurs de la société. Mais là doit s’arrêter leur concours. Un gouvernement qui n’a point leurs sympathies, et qui ne saurait être appelé à fixer l’avenir du pays, ne peut leur demander davantage. C’est ma convictions intime, que la présence des royalistes dans les nouvelles assemblées ne serait d’aucune utilité, et pourraient avoir au contraire de graves inconvénients. […] Je comprends toutefois que des considérations puissantes et respectables obligent un certain nombre de mes amis à rester et à entrer dans les rangs de l’armée, à occuper des emplois dans les diverses carrières publiques. […] J’ai été et serai toujours reconnaissant de tous les services rendus à la France. La nouvelle constitution soulève une question sur laquelle je dois pareillement m’expliquer. Je répéterai donc ici ce que je n’ai cessé de dire à cet égard, c’est que je regarde cette question comme étant entièrement du domaine de la conscience, et que je laisse à chacun le soin de la décider suivant ses propres convictions. Quant à moi, je n’ai sur ce point aucune autorisation à accorder, aucune défense à formuler.
Messieurs, je viens de vous parler à cœur ouvert, vous faisant connaître toutes mes pensées, tous mes désirs ; car dans les temps où nous sommes ce ne sont pas des ordres que je puis donner, mais des désirs seulement que je puis exprimer. Il ne me reste plus à ajouter ici que les vœux bien ardents, bien sincères, et tout à fait désintéressés, que je forme avec vous pour le salut de la France. Je me plais aussi à vous le redire en terminant, plus que jamais je conserve la douce et ferme espérance qu’un jour viendra, puisse-t-il être prochain, où il me sera donné après tant d’années d’exil de revoir enfin notre chère patrie, et de me dévouer tout entier à son bonheur et à sa gloire.
Je vous renouvelle, Messieurs, l’assurance de ma bien sincère et constante affection.
Henri »


Les élections législatives de mai 1849 portent une majorité monarchiste à l’Assemblée nationale sous la Deuxième République. Le prince-président, futur Napoléon III, entre bientôt en conflit avec elle et, par répercussion, le comte de Chambord. Par son coup d’État du 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte fait ratifier celui-ci par plébiscite les 21 et 22 décembre. Dans la foulé, il fait promulguer une nouvelle Constitution à son avantage le 14 janvier suivant, lui permettant de conserver le pouvoir par la force. Cette Constitution est modifiée par le sénatus-consulte du 7 novembre 1852 pour rétablir la dignité impériale en faveur de Napoléon III.

En conséquence de cette nouvelle Constitution promulguée et acquise à la cause du prince-président Louis-Napoléon Bonaparte, Henri d’Artois précise ici à ses partisans la ligne de conduite qu’il attend d’eux, à savoir de ne pas participer à la vie publique, s’abstenir de voter et de se présenter à des mandats électifs. Sentant l’horizon s’obscurcir, le comte de Chambord n’en reste pas moins lucide des éventuelles intentions carriéristes de chacun pour les années à venir.

Provenance :
Coll. particulière