MARTIN DU GARD, Roger (1881-1958)

Deux lettres autographes signées « Roger Martin du Gard » à Mme Nolde
Nice, 25 oct. et 8 nov. [19]43, en tout 2 p. 1/4 in-8°

« Oui, si ça doit être sans espoir, cette longue lutte contre le mal aura été d’une cruauté infernale ! »

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Fiche descriptive

MARTIN DU GARD, Roger (1881-1958)

Deux lettres autographes signées « Roger Martin du Gard » à Mme Nolde
Nice, 25 oct. et 8 nov. [19]43, en tout 2 p. 1/4 in-8°

Vive inquiétude de l’écrivain pour la femme de son ami Marc Allégret


25 oct. 1943 :
« Chère Madame,
Votre lettre nous replonge dans les pires inquiétudes. J’avais été si rassuré par la dernière lettre de Marc [Allégret], je croyais la partie vraiment gagnée !…
Sur quoi compter maintenant ? Malgré sa résistance et ses étonnantes ressources de vitalité dont elle fait preuve, comment Nadine [Vogel] arrivera-t-elle encore une fois à surmonter cette nouvelle crise ? Cela fait trembler…
Sans vous, nous n’aurions rien su. (Et il est bien naturel que Marc ait d’ailleurs d’autres pensées en tête que de nous écrire…) Aussi je n’hésite pas à faire, de nouveau, appel à votre amicale obligeance, et je vous demande de bien vouloir me mettre un bref mot à la poste pour que je ne sois pas sans nouvelles ici.
Merci d’avance, chère Madame, embrassez votre Poussin [Danièle, la fille de Marc et Nadine] pour nous, et agréez, je vous prie, tous mes respectueux hommages.
En hâte, et bien anxieusement avec vous,
Roger Martin du Gard »

8 nov. 1943 :
« Chère Madame, je suis confus de vous causer ce surcroît de besogne, mais bien reconnaissant, car, sans vous, nous serions sans nouvelles. Je vous dirai, sans vous surprendre, qu’après votre lettre du 29, je m’attendais au pire, et c’est en tremblant, ce matin, que j’ai ouvert votre enveloppe… Oui, si ça doit être sans espoir, cette longue lutte contre le mal aura été d’une cruauté infernale ! Mais cette durée, cette invraisemblable résistance qui surmonte nécessairement crise après crise, c’est notre seule raison d’espérer encore. Qui aurait cru ce délicat organisme capable de tenir si longteps contre des coups aussi répétés ? C’est miraculeux. J’espère, malgré tout… Il suffirait que cette rechute et ces complication soient les dernières, pour que notre petite Nadine soit sauvée. Ça n’est pas impossible. Je mets mon ultime confiance dans cette nouvelle transfusion…
Pauvre Marc, qui assiste, lucide et impuissant, à cet interminable débat contre la mort !
Encore merci. Nous nous recommandons une fois de plus à votre obligeance : ce n’est que par vous que nous pouvons être tenus au courant… ne vous lassez pas !
Bien tristement et respectueusement.
Roger Martin du Gard »


Auréolé d’une immense gloire après le succès de son roman-fleuve Les Thibault, dont l’ultime volet devait paraître en 1940, l’écrivain séjourne longuement en Italie à la fin des années 30, alors que déjà la guerre s’installe dans l’ouest de l’Europe. Martin du Gard doit quitter le château du Tertre, en zone occupée, pour se réfugier à Nice. Tiraillé entre optimisme et désillusion, il tente de discerner la vérité au cœur de l’agitation de cette époque incertaine, tout en s’interrogeant sur les signes que laisse entrevoir cette guerre et sur les promesses ou menaces de l’avenir.
L’essentiel de sa correspondance pendant cette période trouble se fait avec son cercle le plus proche, dont le metteur en scène Marc Allégret (fils d’Élie Allégret, précepteur d’André Gide) et son épouse, la comédienne Nadine Vogel, souffrant à l’époque de problèmes de santé. Le couple avait confié son enfant en bas âge à Madame Nolde, réfugiée dans le Lot. Ce n’est qu’au travers de celle-ci que Martin du Gard parvient à obtenir des nouvelles de l’enfant, souffrant par intermittence et lui inspirant les plus vives inquiétudes.

Provenance :
PBA, 17 mai 2011, n°143

Lettres inédites à la Correspondance du tome VIII (1940-1944)