PROUST, Marcel (1871-1922)

Lettre autographe signée « Marcel Proust » à Fernand Gregh
S.l.n.d., [Paris, 13 août 1903], 3 p. petit in-8° à l’encre noire

« J’ai un oncle très malade de l’estomac depuis plusieurs années, neurasthénique extrêmement »

EUR 3.800,-
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Fiche descriptive

PROUST, Marcel (1871-1922)

Lettre autographe signée « Marcel Proust » à Fernand Gregh
S.l.n.d., [Paris, 13 août 1903], 3 p. petit in-8° à l’encre noire
Ancienne marque d’onglet sur la quatrième page, surcharge sur un mot
Filigrane : “Au Printemps Paris – Nouveau Papier Français”
Joint : Enveloppe autographe, timbrée et oblitérée

L’oncle Weil, personnage de l’enfance heureuse de Proust, prochainement aux soins du docteur Dubois, modèle de Du Boulbon dans la Recherche


« Cher ami, j’ai un oncle très malade de l’estomac depuis plusieurs années, neurasthénique extrêmement, mais aussi dilaté, etc., qui va peut-être (?) essayer de ton médecin [le docteur Dubois]. Tu serais excessivement gentil de me dire son nom et son adresse pour si mon oncle se décidait. Mais quand on n’est pas seulement neurasthénique, qu’on est très malade de l’estomac, et pas seulement nerveusement, vous soigne-t-il encore ? Vous guérit-il tout de même.
Pardonne-moi de te demander un moment de tes journées fécondes, quelques lignes de ton écriture précieuse, pour un simple renseignement. Mais il aura peut-être pour résultat d’épargner de la douleur physique et toutes les tristesses qui en résultent autour de celui qui souffre. Que si le renseignement demeure superflu inutile, tu ne m’en accuseras pas, mais le mauvais esprit d’un malade qui veut et ne peut pas guérir.
Ton reconnaissant Marcel Proust »


Denis-Georges Weil, frère de la mère de Proust, entretint une relation très amicale avec le futur écrivain. Il tenait de longues conversations littéraires avec celui-ci au point parfois d’en oublier l’heure de se rendre au tribunal, où il exerçait comme magistrat. L’oncle Weil illustre parfaitement l’union familiale que Proust connut dans son enfance, marquée par une vie commune étroite et un amour partagé de la conversation. Il fut en outre copropriétaire, avec madame Proust, de l’immeuble du boulevard Haussmann où Proust viendrait habiter à partir de 1906.

Le réel transposé dans l’œuvre :
Le docteur Paul Dubois, célèbre professeur de neuropathologie de l’époque, dirigeait une clinique à Berne et publia plusieurs ouvrages, dont De l’influence de l’esprit sur le corps (1901). Fernand Gregh avait reçu ses soins en 1900, et Proust, qui songerait à aller le consulter en 1905, le recommanda à son oncle Denis-Georges Weil. Proust, qui cite les théories de Dubois dans les notes de sa traduction de Sésame et les lys de Ruskin, transposerait également l’anecdote de la visite de son oncle au docteur dans Le Côté de Guermantes : Dubois dit à Weil qu’il n’était pas malade et celui-ci en ressentit immédiatement un mieux, comme il advient à la grand-mère du Narrateur auprès du docteur Du Boulbon. Enfin, Proust fait également mourir son personnage de l’urémie qui emporta son oncle.

Fernand Gregh (1873-1960) rencontre Marcel Proust en janvier 1892, parmi les élèves du lycée Condorcet qui animaient la revue littéraire Le Banquet. Il devient rapidement le directeur de ce périodique, tandis que Proust y publie parmi ses premiers textes importants, littéraires et théoriques. Avec deux autres élèves du lycée et membres du Banquet, Louis de La Salle et Daniel Halévy, Proust et Gregh entreprennent en 1893 l’écriture d’un roman à quatre mains. Ce texte collectif, conçu sur le modèle de La Croix de Berny (composé par Gautier et trois autres écrivains) ne fut pas achevé, mais Proust en fut le principal rédacteur et y plaça déjà des thèmes qui se retrouveraient dans La Recherche. Fernand Gregh se consacra ensuite presque exclusivement à la poésie, remportant un prix de l’Académie française en 1896. Il joua un certain rôle dans la vie littéraire par sa position de secrétaire de rédaction à la Revue de Paris (1894-1897) et de rédacteur des Lettres (jusqu’en 1909).  Son amitié avec Proust connut cependant des intermittences, en raison notamment de divergences esthétiques. Par ailleurs, comme beaucoup d’écrivains « arrivés », Gregh regarda Proust d’abord avec un peu de condescendance, tandis que Proust moquait de son côté le ridicule du caractère « charmant » de son ami. Fernand Gregh entre à l’Académie française en 1953 et y laisse d’importants souvenirs littéraires, dont un volume intitulé Mon Amitié avec Marcel Proust (1958), dans lequel il édita ses lettres reçues de l’auteur de La Recherche.

Provenance :
Fernand Gregh
Puis coll. particulière

Bibliographie :
Corr., t. III, Kolb, Plon, n°203 (dans un texte tronqué de trois mots et avec deux variantes, établi d’après l’ouvrage de Fernand Gregh).
Marcel Proust I – Biographie [Nouvelle édition], éd. Jean-Yves Tadié, Folio, p. 55 / 56 (partiellement transcrite)