MARTIN DU GARD, Roger (1881-1958)

Lettre autographe signée « R.M.G » à Mme Nolde
Figeac, 12 déc. [19]44, 1 p. 1/2 in-8°

« Après avoir pensé crever dans ce maudit pays… »

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Fiche descriptive

MARTIN DU GARD, Roger (1881-1958)

Lettre autographe signée « R.M.G » à Mme Nolde
Figeac, 12 déc. [19]44, 1 p. 1/2 in-8° à l’encre noire
Pliure central inhérente à la mise sous pli d’époque, taches infimes

Féroce lettre de l’écrivain à l’égard des habitants de Figeac et de la région du Lot, « ce pays hostile, cette population revêche », quelques semaines après la Libération


« Que devenez-vous, chère Madame ? Toujours à Prayssac ? Nous, toujours à Figeac, mais en attente de départ. Après avoir pensé crever dans ce maudit pays, après deux mois de vaines démarches pour essayer d’en partir (avec nos bagages, ce qui semblait irréalisable), nous avons enfin l’espoir de voir arriver ces jours-ci une camionnette de Nice, qui vient nous chercher. Nous aurions préféré rentrer chez nous, en Normandie, où tant de questions à régler nous attendent. Mais toute tentative pour aller dans cette direction semble impossible. Ce sera donc Nice. Nous aurions accepté d’aller n’importe où pour quitter ce pays hostile, cette population revêche, ce climat atroce, ce déluge continuel…
J’espère pour vous que Marc [Allégret] et Nadine [Vogel] ont réussi à vous ramener à Paris, et que leur présence, leur affection, vous aident… Quelle angoisse de penser à ce nouvel hiver pour nos prisonniers !…
Je ne voulais pas m’éloigner du Lot sans un mot d’adieu, sans vous redire encore ma respectueuse et reconnaissante sympathie,
R.M.G.
Je vous paraîtrai peut-être bien injuste pour cette région de lard et d’oies grasses, mais nous y avons eu trop d’ennuis de tous genres, et particulièrement de santé. Songez que, depuis le 15 août, nous avons passé, en deux fois, 72 jours et autant de nuits dans une chambre de l’Hôpital de Figeac !!! Ma femme y a subi deux opérations peu graves, mais qui nous ont empoisonné la vie, et la laissent encore très fatiguée. »


Auréolé d’une immense gloire après le succès de son roman-fleuve Les Thibault, dont l’ultime volet devait paraître en 1940, l’écrivain séjourne longuement en Italie à la fin des années 30, alors que déjà la guerre s’installe dans l’ouest de l’Europe. Martin du Gard doit quitter le château du Tertre, en zone occupée, pour se réfugier à Nice, pour finalement venir se fixer à Figeac, dans le Lot. Tiraillé entre optimisme et désillusion, il tente de discerner la vérité au cœur de l’agitation de cette époque incertaine, tout en s’interrogeant sur les signes que laisse entrevoir cette guerre et sur les promesses ou menaces de l’avenir.
L’essentiel de sa correspondance pendant cette période trouble se fait avec son cercle le plus proche, dont le metteur en scène Marc Allégret (fils d’Élie Allégret, précepteur d’André Gide) et son épouse, la comédienne Nadine Vogel, souffrant à l’époque de problèmes de santé. Le couple avait confié son enfant en bas âge à Madame Nolde, réfugiée elle aussi dans le Lot.

Provenance :
PBA, 17 mai 2011, n°143

Lettres inédites à la Correspondance du tome VIII (1940-1944)