BAZILLE, Frédéric (1841-1870)

Lettre autographe signée « FBazille » à sa mère
[Paris], 1er décembre 1862, 4 pp. in-8° à l’encre noire

« Je retourne à l’atelier jusqu’à trois ou quatre heures. De là je vais au cours d’anatomie »

EUR 2.800,-
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Fiche descriptive

BAZILLE, Frédéric (1841-1870)

Lettre autographe signée « FBazille » à sa mère
[Paris], 1er décembre 1862, 4 pp. in-8° à l’encre noire sur papier vergé
Légères fentes aux plis
Discrète réparation au ruban adhésif en marge inférieure du second feuillet

Fraîchement débarqué à Paris pour se former dans l’atelier de Charles Gleyre, Bazille évoque sa vie de bohème dans la capitale

Une époque charnière durant laquelle le jeune Bazille délaissera la médecine pour se consacrer pleinement à la peinture


« Ma chère Mère,
J’ai reçu avant hier la lettre et le cadeau de ma bonne tante Adrienne, remercie la bien je t’en prie pour les deux choses. Je compte du reste le faire moi même un de ces jours. La pièce de 20 francs est arrivée je l’avoue bien à propos, car je commençais à tirer la ficelle.
Tu me demandes des détails sur ma manière de vivre, je vais t’en donner des plus précis. Le matin, entre huit et neuf heures Alfred Parlier me réveille en allant à son école. Je me lève et je vais à l’atelier où je reste jusqu’à onze heures. À cette heure je vais déjeuner dans une pension d’étudiants située près de la sur Serpente. Car j’ai renoncé à manger au café Caron, c’est trop cher. Dans cette pension où l’on mange très bien et beaucoup, on paye le déjeuner 16 sous, et le dîner 25, le vin non compris. Ces chiffres doivent te paraître étonnants […]. J’ai de plus l’agrément de n’être là qu’à avec des étudiants en médecine, dont plusieurs amis de collège. Après le déjeuner je retourne à l’atelier jusqu’à trois ou quatre heures. De là je vais au cours d’anatomie les jours où il a lieu.
L’atelier n’est ouvert que quatre jours de la semaine. Les autres jours, je me lève un peu plus tard, ou bien je vais à l’hôpital de la Charité. Le soir je dine à ma pension ou avec Frat et Teulon. Puis nous allons faire une partie de billard, ou promener sur le boulevard, ou au théâtre. En revenant nous jouons très souvent du piano avec Frat. Ce soir nous avons joué pendant deux heures mes symphonies de Beethoven.
Il m’est arrivé ce soir une chose bien désagréable. On donne au théâtre Français une pièce nouvelle d’Émile Augier, Le Mariage de Giboyer. J’aurais été heureux d’assister à cette 1ère représentation […]
Je vais tous les samedis soir chez les Mamignard [ancêtres toulousains du peintre] qui sont toujours charmants pour moi. Ils reçoivent une société très amusante, mais pas des plus distinguées.
J’aimerais bien que vous m’écriviez un peu plus souvent. Tu ne saurais croire combien je m’intéresse à tout ce qui se passe à Montpellier depuis que j’en suis éloigné […]. Embrasse bien pour moi mes tantes et mes cousines. Donnez moi des nouvelles d’Ernest, de Georges et de Maurice.
Je vous embrasse de tout mon cœur. Depuis quelques jours il fait un temps magnifique sans nuages…
FBazille »


Bazille ou le talent foudroyé.
Débarqué à Paris à l’automne 1862, Frédéric Bazille se met en quête d’un atelier de peinture pour compenser l’ennui que lui inspire la faculté de médecine. Alors qu’il s’est engagé à aller au bout de son doctorat dans le seul but de rassurer son père, le jeune Frédéric suit les conseils de son cousin, le peintre Eugène Castelnau. Celui-ci l’oriente vers l’atelier de Charles Gleyre — artiste helvète d’une soixantaine d’années, chez qui Castelnau a lui-même été formé.
C’est dans ce même atelier que Bazille se lie d’amitié avec Monet, Renoir et Sisley, tous admirateurs de Manet. La destinée de Bazille semble dès lors tracée. Il perfectionne sa technique du dessin puis, trois ans plus tard, s’installe avec Monet rue de Furstemberg. Ses toiles, telles que La Robe rose (1864), Réunion de famille (1867) ou Scène d’été (1869), comptent parmi les chefs-d’œuvre annonçant l’impressionnisme.
Sa carrière, si prometteuse, est brutalement interrompue lorsque, le 16 août 1870, après l’éclatement de la guerre franco-prussienne, il s’engage — contre la volonté de ses proches — au 3ᵉ régiment de zouaves. Il meurt à la bataille de Beaune-la-Rolande, le 28 novembre 1870.

Les lettres de Frédéric Bazille en mains privées sont excessivement rares

Provenance :
-Lettre conservée dans la collection de la famille de l’artiste :
Marc Bazille (frère de l’artiste) puis Frédéric Bazille (son fils)
-Drouot, 7 déc. 1982, n°4

Bibliographie :
Correspondance, éd. Les Presses du Languedoc, p. 31-32, n°8