MAURRAS, Charles (1868-1952)

Lettre autographe signée « Ch. M » [à Thierry Maulnier]
[Paris], 18 juillet [19]37, 4 pp. in-8°

« Faut-il penser qu’on me veut pour maître ou pour ami sans partage ?
 Ces idées de petites filles n’ont rien de commun avec une politique sérieuse »

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Fiche descriptive

MAURRAS, Charles (1868-1952)

Lettre autographe signée « Ch. M » [à Thierry Maulnier]
[Paris], 18 juillet [19]37, 4 pp. in-8° à l’encre noire
À en-tête de L’Action Française
Légère brunissure en marge inférieure, sans gravité
Quelques mots caviardés par Maurras

Tout juste libéré de prison où il avait été incarcéré pour incitation au meurtre contre Léon Blum, Maurras s’inquiète des fractures persistantes au sein de l’extrême droite française


« Mon cher ami,
Je vous ai dit ma surprise et mon indignation devant ce nouveau chapitre de la Guerre des Gaules. 

Alors que des nationaux (de tous âges) se rallient à une pensée d’union pour une action commune contre l’ennemi commun, d’autres nationaux se mettent à les charger ! On s’unissait de loin : de près, on se divise !
Jusqu’ici, les échecs des Français de France (si ‘nationaux’ vous déplaît) passaient pour avoir été dus soit au manque d’énergie de leurs chefs, soit à leur division. Cette division tend à cesser, ils acclament une direction énergique, précisément celle de l’homme dont vous fêtez la libération [Maurras fait ici allusion à lui-même]. Quel que soit leur passé, voyez que l’offensive contre eux tombe mal ! Elle est de nature à empêcher ce que 
vous désirez : la conséquence de l’effort général. Cette offensive refait sur un autre point, une division qu’on a ruinée ailleurs ! Pour du beau travail, c’est du beau travail.
Et les articles qui attaquent si violemment nos alliés sont pleins d’attentions à mon égard ! Faut-il penser qu’on me veut pour maître ou pour ami sans partage ?
 Ces idées de petites filles n’ont rien de commun avec une politique sérieuse.
Mais je n’admets pas cette explication passionnelle. Je sais qu’il existe un sous Larrocque [sic : François de La Rocque] en réserve, que l’on tient prêt à semer de nouveaux malentendus, de nouvelles inerties, et de nouvelles dindonnades, au bénéfice du Ministère de l’intérieur. Ce sous Larroque passe pour subventionner L’Insurgé. Que ce soit lui ou d’autres ces provocations intéressées grèvent l’avenir. Notre devoir est d’en prévenir les effets.
Malgré tout ce qui nous inquiétait (cette démagogie sociale conduite aux frais d’une ploutocratie) nous avons pu accepter longtemps une situation fausse. Elle est rendue impossible par la gravité du dernier incident. Comment, d’ailleurs, un homme de votre talent et de votre caractère resterait-il dans une équipée ou suspecte ou dépourvue de sens politique élémentaire ?
Votre départ s’impose : il fera réfléchir vos camarades de bonne foi, il infligera aux autres le camouflet qu’ils n’ont que trop mérité, mille amitiés, Ch M. »


L’année 1937 s’inscrit dans le climat polarisé du Front populaire, arrivé au pouvoir en 1936, auquel répond une recomposition mouvante des droites françaises. Entre ligues dissoutes, revues intellectuelles politisées et nouvelles tentatives de regroupement nationaliste, l’extrême droite connaît alors une intense fragmentation. Plusieurs personnalités cherchent à surmonter cet éclatement pour organiser une action unifiée contre le gouvernement Blum.
Incarcéré huit mois à la prison de la Santé (janvier–juillet 1937) pour une série de délits de presse, Maurras sort de détention au moment où L’Insurgé, hebdomadaire fondé quelques mois plus tôt par Thierry Maulnier et Jean-Pierre Maxence, multiplie les attaques contre diverses formations nationalistes. Nourrissant chez lui une certaine irritation, il voit dans ces querelles de chapelle un danger politique majeur au moment où il juge indispensable l’unité des droites antidémocratiques.
La lettre apparaît ainsi comme une tentative d’intervention autoritaire de Maurras dans le champ nationaliste au moment où son autorité, quoique encore réelle, commence à être contestée par des militants plus jeunes et attirés par des modèles politiques émergents.

ON JOINT :

Charles Maurras

Lettre autographe signée « Ch. M » au même
S.l.n.d. [années 30], 7 pp. in-8° à l’encre noire
Au sujet de la Cagoule, groupe terroriste d’extrême droite très actif dans les années 30

[Charles Maurras]
Tirage argentique d’époque
S.l. [juin 1934, selon une note manuscrite au verso]
10,5 x 6 cm, marge dentelée
En parfait état
Épreuve figurant Maurras de plein pied, coiffé d’un chapeau noir et d’un long manteau, en pleine conversation avec un jeune homme

Provenance :
Archives Thierry Maulnier