ROLLAND, Romain (1866-1944)

ROLLAND, Romain (1866-1944)

Lettre autographe signée « Romain Rolland » à Francis Jourdain
Villeneuve [Suisse], 15 juin 1933, 2 pp. in-8° sur papier vert pâle, à l’encre noire
Filigrane : ‘Römerturm / Sack Linen’

L’écrivain dénonce l’usurpation de sa signature, utilisée pour protester contre des persécutions attribuées au gouvernement grec de Panagís Tsaldáris

« Mon cher Francis Jourdain,
Je reçois de la Légation de Grèce à Paris une lettre du 12 juin, qui me surprend.
On m’y apprend que ‘le gouvernement grec a reçu un télégramme daté de Paris, portant ma signature, ainsi que celles d’autres personnalités, par lequel je proteste auprès du Président du conseil des ministres de Grèce [Panagís Tsaldáris] contre des persécutions de solidarités sociales.’ Le gouvernement grec « manifeste son étonnement pour cette démarche que rien n’est venu justifier, et dont il ne peut saisir ni le sens nui le but.’
Mon étonnement n’est pas moindre. Nul ne m’a parlé de faits de ce genre.
Nul ne m’a demandé de signer un télégramme de protestation contre des persecutions en Grèce.
S’il y avait eu abus de ma signature et d’autres signatures par quelque inconnu, une enquête s’imposerait. – J’espère que ce n’est aucune de nos organisations, de Secours Rouge [international, SRI], de Secours ouvrier, de Comité d’aide, ou d’Amsterdam, qui a disposé de mon nom sans m’avertir. Je vous rappelle et je vous prie de rappeler à mes amis qu’il est indispensable de e demander, par lettre ou par télégramme, mon adhésion à toute démarche de ce genre, surtout quand elle s’adresse à un gouvernement. Sinon je serai obligé de protester publiquement.
Bien cordialement à vous,
Romain Rolland »

Cette lettre s’inscrit dans un contexte politique extrêmement tendu en Grèce. Elefthérios Venizélos, considéré comme le fondateur de la Grèce moderne, se présente aux élections de 1933 à la tête d’une vaste coalition regroupant les mouvements vénizélistes et le Parti agrarien. Le Parti du peuple, dirigé par Panagís Tsaldáris, se dresse contre Venizélos et finit par remporter les élections. Venizélos est victime d’une tentative d’assassinat le 6 juin 1933 par le chef de la police de sécurité, nommé par Tsaldáris.
Fils de l’architecte et critique d’art Frantz Jourdain, Francis Jourdain est lui-même peintre, architecte d’intérieur renommé et critique d’art, militant anarchiste puis communiste.