WEIL, Simone (1909-1943)

Lettre autographe signée « Simone Weil » à Henri Guilbeaux
Auxerre [automne 1932], 1 p. in-4to oblongue

« Actuellement, je suis, bien entendu, extrêmement inquiète pour les camarades de Berlin »

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Fiche descriptive

WEIL, Simone (1909-1943)

Lettre autographe signée « Simone Weil » à Henri Guilbeaux
Auxerre [automne 1932], 1 p. in-4to oblongue
Marge inférieure légèrement oblique, traces de pliures, quelques petites décharges d’encre

Très rare lettre de la philosophe témoignant son soutien indéfectible auprès de ses camarades du Parti socialiste des travailleurs d’Allemagne, opposants au Komintern de Staline – Cette missive révèle, au-delà de son profond humanisme, des précautions utilisées par Simone Weil pour obtenir la confiance de son correspondant par une personne interposée


« Cher camarade,
Excusez-moi de vous écrire sans être connue de vous – j’ai connu
[Paul] Frölich durant mon séjour d’un mois à Berlin (en août) – il m’avait donné une lettre pour vous, que votre détention au cherche-midi m’a empêchée de vous remettre.
Actuellement, je suis, bien entendu, extrêmement inquiète pour les camarades de Berlin, et notamment pour Frölich
[…] Avez-vous des nouvelles de lui ? Avez-vous une idée de la manière dont on pourrait en avoir ? Je suis disposée à faire n’importe quoi de possible pour l’aider, s’il se trouve avoir besoin d’une aide quelconque (argent ou autre chose).
C’est
[Marcel] Martinet qui m’a donné votre adresse – Je lui ai demandé de vous écrire pour vous assurer que vous pouvez avoir confiance en moi, et me dire tout ce que vous savez.
Dites-moi aussi ce que vous croyez qu’on peut faire.
Bien cordialement à vous
Simone Weil
34 rue de Preuilly
Auxerre (Yonne) »


Paul Frölich (1884-1953) est un journaliste et dirigeant socialiste-révolutionnaire et communiste allemand. En 1922 il publie une brochure en français : La Terreur blanche en Allemagne (Petite bibliothèque communiste, Paris). Il est l’un des dirigeants du K.P.D. (Kommunistiche Partei Deutschlands), avant de créer le Sozial Arbeiter Partei (S.A.P.). Élu député au Reichstag (1921-1924, puis 1928-1930), il est arrêté en 1933 et détenu en camp de concentration pendant neuf mois (Simone Weil, qui va jusqu’à fomenter des plans d’évasion pour son camarade, envoya de l’argent pour payer un avocat).

Les « camarades » de Berlin pour lesquels Simone Weil s’inquiète sont surtout les « oppositionnels » (soit ceux qui souhaitaient un redressement du Parti communiste allemand) qu’elle a connus lors de son séjour, et qui luttent contre l’appareil du Parti du Komintern et de l’État russe. À son retour d’Allemagne, Simone Weil cherche à aider des réfugiés politiques qui ne font partie d’aucune des deux Internationales et qui, par conséquent, ne bénéficiaient d’aucun secours. Elle organise ainsi nombre d’hébergements successifs chez ses parents (au grand désespoir de son père… qui acceptait toujours cependant).

« C’est Martinet qui m’a donné votre adresse »

Simone Weil rencontre Marcel Martinet (1887-1944), par le biais à Michel et Jeanne Alexandre, fondateurs des Libres propos ou Journal d’Alain, en 1921. Auteur des Temps maudits (1914-1916), Martinet est proche de l’équipe des Libres Propos et s’engage activement aux côtés des intellectuels antifascistes. En 1918 il fonde une revue pacifiste, La Plèbe. Premier directeur littéraire de L’Humanité (1921-1923), il renonce à ses fonctions et quitte le P.C.F. pour lutter avec le noyau de militants syndicalistes groupés par P. Monatte autour de La Révolution prolétarienne.

Lettre inédite