BEAUVOIR (de), Simone (1908-1986)

Manuscrit autographe (fragments), avec une L.a.s pour La Longue Marche
[Paris, 1956] 15 p. in-4° sur papier quadrillé, deux enveloppes jointes

« La Chine n’est pas une entité politique ; je devine avec joie, qu’elle a un ciel, ses couleurs, ses arbres, une chair »

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Fiche descriptive

BEAUVOIR (de), Simone (1908-1986)

Manuscrit autographe (fragments), avec une lettre autographe signée pour La Longue Marche – Essai sur la Chine
[Paris, 1956] 15 p. in-4° sur papier quadrillé
Deux enveloppes autographes, timbrées et oblitérées
Nombreuses corrections et passages biffés de la main de Simone de Beauvoir

Quelques-uns des derniers feuillets subsistants pour La Longue Marche – Essai sur la Chine, récit du voyage officiel qu’elle fit en Chine avec Jean-Paul Sartre à la fin de l’année 1955


Le présent corpus se scinde en trois mouvements distincts :

Le premier mouvement porte en tête : « 2 à 5 septembre 55 », folioté 25 à 30 (avec un bis). Il correspond aux « Préliminaires » et s’ouvre par des observations des voyageurs dans la salle d’attente d’Orly. Simone de Beauvoir dresse un saisissant contraste d’un côté en ceux, bien habillés (jusqu’à la caricature), en partance pour Boston et de l’autre ceux, sobrement vêtus, sur le point de s’envoler vers Moscou, en « expédition officielle ».
La philosophe prend des notes sur les Soviétiques, les Hongrois et les Tchèques à l’aérodrome de Moscou, et sur un Sud-Africain, également invité officiel du gouvernement chinois avec qui le couple de philosophes s’entretient. Ce récit de voyage est enrichi d’aperçus du paysage, rappelant la présence occidentale en Mongolie depuis le XVIIe siècle, notamment avec les savants et les moines.
« Comme Paris est loin ! Derrière moi le temps et l’espace se sont si bien embrouillés, le système de nos besoins – faim, soif, sommeil – et de toute ma vie a été si radicalement lissé qu’il me semble non avoir fait un voyage mais terminé un rite de passage, long, fatigant, et qui m’a jetée insensiblement ailleurs. J’écoute l’aimable discours qu’on nous adresse en chinois et qu’un interprète traduit. Les porteurs de hautes fleurs écarlates, la moiteur de l’air, la forte odeur végétale qui monte de la terre me suffoque. […] Jusqu’ici quand je pensais à la Chine, je pensais à une histoire, une civilisation, un régime […] mais la Chine n’est pas une entité politique ; je devine avec joie, qu’elle a un ciel, ses couleurs, ses arbres, une chair »

Le 16 décembre 1956, elle envoie un second fragment folioté 476, 486 bis. Il correspond au chapitre V, « La culture » :
« Sous les Mandchous, la décadence du monde féodal se réflète dans la littérature ; elle commença à s’évader des règles formelles ; des genres nouveaux se développèrent. Le roman devint autre chose qu’un divertissement […] Le Rêve de la chambre rouge entre autres est caractéristique de cette période »

Le 18 décembre 1956, elle envoie un dernier fragment folioté 757, 781 et 782. Il correspond au chapitre VIII « Villes de Chine » :
« Elle fut la capitale des Song dont le règne coïncida avec le plus beau moment de la civilisation chinoise, et on la considère comme l’Athènes de la Chine. […] Les maisons ne ressemblent pas à celles de Pékin. Au lieu de se cacher derrière des murs, elles exhibent des façades de deux à trois étages, garnies de fenêtres »


Invitée officielle du gouvernement chinois au côtés de nombreux autres intellectuels européens, Simone de Beauvoir se rend en Chine avec Jean-Paul Sartre du 6 septembre au 6 octobre 1955. La philosophe publie son essai l’année suivante, en avril 1957, louant un pays qui vient d’achever sa révolution. De son essai, elle dira : « Ce livre n’est pas un reportage : le reporter explore un présent stable, dont les éléments plus ou moins contingents se servent réciproquement de clés. En Chine, aujourd’hui, rien n’est contingent ; chaque chose tire son sens de l’avenir qui leur est commun à toutes ; le présent se définit par le passé qu’il dépasse et les nouveautés qu’il annonce : on le dénaturerait si on le considérait comme arrêté. Il n’est qu’une étape de cette “longue marche” qui achemine pacifiquement la Chine de la révolution démocratique à la révolution socialiste. Il ne suffit donc pas de le décrire : il faut l’expliquer. C’est à quoi je me suis efforcée. »
Le manuscrit ayant disparu, ces quinze feuillets sont les derniers subsistants de l’œuvre. Les enveloppes confirment sans surprise qu’elle y travaillait en 1956. Sylvie Le Bon de Beauvoir note que l’ensemble appartient à une version antérieure à la définitive. Simone de Beauvoir a supprimé la quasi-totalité des feuillets numérotés de 25 à 30, modifiant profondément ses « Préliminaires ».

Provenance :
Succession Berthe Mandinaud