ÉLUARD, Paul (1895-1952)
Lettre autographe signée « Paul Eluard » [à René Char]
[Davos], 30 janv. 1935, 1 p. in-4°
« Je te remercie de ce que tu me promets pour Nusch »
Fiche descriptive
ÉLUARD, Paul (1895-1952)
Lettre autographe signée « Paul Eluard » [à René Char]
[Davos], 30 janv. 1935, 1 p. in-4° à l’encre noire sur papier ligné
Marques de pliures, habile restauration en marge inférieure, petites effrangures dans gravité
Un mot caviardé par Paul Éluard
Belle lettre intime à son ami René Char
Nusch ou la résurrection amoureuse de Paul Éluard
« Mon cher René,
Ta lettre m’a fait un grand plaisir. On ne devrait, si l’on ne veut pas de drames, jamais mêler la vie “pratique” à l’amitié, ni l’amour même en triomphe si rarement. Des lettres comme les tiennes, ici, sont des baumes.
Je me sens très faible, je suis couché, avec beaucoup de misères, soigneusement renouvelées en ce moment.
Je te remercie de ce que tu me promets pour Nusch.
SI tu peux le faire tout de suite, fais-le, je t’en prie. Il y a urgence, urgence ! Si peu que ce soit, mais tout de suite, au reçu de ma lettre. Le tout est que Nusch atteigne le moment où ma mère l’enverra ici, dans 8 jours. Ma mère à ce moment, fera beaucoup pour elle, mais, à cause même de cela, on ne peut rien lui demander avant. Je compte donc absolument sur toi.
Je t’ai déjà, il y a 2 ou 3 jours, envoyé, recommandé, mon livre à l’adresse que m’a donnée Valentine [Hugo], qui ne tarit pas d’éloges sur Renée [Gauthier], qu’elle a vu dernièrement.
J’espère que tout va s’arranger pour toit. J’attends impatiemment tes deux livres.
Tout affectueusement à vous deux
Paul Eluard »
C’est à l’un de ses plus fidèles amis qu’Éluard écrit depuis le sanatorium de Davos, en Suisse, où il est venu rejoindre René Crevel le 22 décembre 1934. Éluard connaît bien les lieux depuis 1912, époque à laquelle on lui a diagnostiqué une tuberculose, à l’âge de 16 ans. Quelques jours plus tôt, le 8 janvier 1934, il confiait à Valentine Hugo : « On a découvert ici de très vieilles avaries de mon organisme qui, bien qu’elles eussent dû depuis longtemps me tuer, restent assez inquiétantes. Mes nerfs et mon cœur m’ennuient. »
Le début des années 1930 compte toutefois parmi les périodes les plus heureuses d’Éluard. Sa rencontre avec Nusch marque pour lui un nouvel élan, tant sentimental qu’artistique. Il voit en elle l’incarnation même de la femme : compagne et complice, sensuelle et fière, sensible et fidèle. Témoin de leur mariage le 21 août 1934, René Char rend visite à son ami à Davos le mois suivant, en février 1935. Leur amitié résistera aux tensions traversant le groupe surréaliste auquel ils appartenaient tous deux. Char s’en éloigne définitivement après avoir signé, à la fin de 1934, le tract contre l’expulsion de Trotski, La Planète sans visa. À la même époque, il confie à Antonin Artaud : « Le surréalisme est mort du sectarisme imbécile de ses adeptes. »
Provenance :
M.L.M.