GAUGUIN, Paul (1848-1903)
Lettre autographe signée « Paul Gauguin » à un collectionneur
[Paris, 1er ou 2 nov. 1893], 1 p. 1/2 in-12°
« L’exposition ouvrira le 9 »
Fiche descriptive
GAUGUIN, Paul (1848-1903)
Lettre autographe signée « Paul Gauguin » à un collectionneur
S.l.n.d [Paris, 1er ou 2 novembre 1893], 1 p. 1/2 in-12°
Petite décharge d’encre et infimes rousseurs en marge gauche
De retour de son premier voyage à Tahiti, Gauguin lance son exposition chez Durand-Ruel
« Monsieur, J’ai reçu aujourd’hui la visite de monsieur Thaülow [Fritz Thaulow son beau-frère] qui m’a remis une carte de vous. Vous voudriez – dit-il voir mon exposition avant la lettre. Cela devient assez difficile parce que je dois les porter [ses toiles] mardi chez Durand-Ruel et cette fin de semaine je ne suis pas certain d’être à la maison. Mais lundi je serai toute la journée chez moi 8 rue de la Grande Chaumière – L’exposition ouvrira le 9. Agréez monsieur l’assurance de mes sentiments distingués.
Paul Gauguin. »
Après deux années d’une vie de bohème et d’un travail passionné dans les îles du Pacifique, Gauguin rentre en France pour accoster à Marseille, le 4 août 1893. Sans le sou, l’artiste est désireux d’organiser une exposition de ses œuvres tahitiennes au plus vite ; il va alors faire jouer ses relations, notamment auprès de Degas,. Le soutien de ce dernier permet à Gauguin d’exposer chez Durand-Ruel pendant un mois, avec un vernissage fixé au 4 novembre.
Gauguin se démène et imagine déjà un vif succès, l’argent coulant à flot, et la protection d’un marchand parisien ; ses œuvres tahitiennes sont sublimes. Il commet toutefois une grosse erreur, fixant lui-même les prix de ses œuvres à des sommes trop élevées – entre 2 et 3000 francs, soit près de dix fois les prix pratiqués avant son départ – prétendant alors faire monter sa cote.
Le vernissage est repoussé au 9 novembre et le tout Paris des arts est convié : journalistes, marchands, critiques, collectionneurs, hommes de lettres, les peintres Pissarro, Monet, Renoir et bien sûr Degas.
Gauguin expose en tout quarante-quatre toiles dont La Orana Maria (Ave Maria), Manao tupapau (L’Esprit veille), Metua rahi no Tehamana (Mes Aïeux de Tehamana), ou encore Nafea faaipoipo (Quand te maries-tu ?), demeurées parmi ses toiles les plus célèbres.
Il est anxieux et joue gros. Le soir du vernissage, la galerie Durand-Ruel est comble mais Gauguin comprend vite que la partie est perdue et qu’il ne vendra rien, ou presque. Charles Morice laisse un témoigne essentiel sur cette soirée fatidique : « Dans la vaste galerie où flambait aux murs sa vision peinte, il regardait le public, il écoutait. Bientôt il n’eut plus de doute : on ne comprenait pas. C’était la séparation définitive entre Paris et lui, tous ses grands projets étaient ruinés, et, blessure peut-être pour cet orgueilleux, la plus cruelle de toutes, il devait s’avouer qu’il avait mal combiné ses plans. »
Incompréhension et prix trop élevés, l’exposition chez Durand-Ruel est un désastre financier. Seules huit toiles sont vendues. La presse se montre néanmoins enthousiaste quant au travail du peintre : Mallarmé, Cardon, Darien et Mirbeau furent unanimes, saluant l’œuvre d’un grand maître.
Dix-huit mois plus tard, Gauguin repart pour son deuxième et dernier voyage sur les terres du Pacifique…
On joint :
Le fac-similé du catalogue de l’exposition chez Durand-Ruel, avec la préface de Charles Morice et la liste des œuvres
1 vol. (13,8 x 21,2 cm), demi chagrin bordeaux à coins, dos à nerfs, titre doré.
Références Bibliographiques :
Lettres de Gauguin à Georges-Daniel de Monfreid. Crès, 1918
Gauguin à Tahiti et aux îles Marquises. Bengt Danielsson, Editions du Pacifique, 1975
Gauguin, David Haziot, Fayard, 2017