GUILBERT, Yvette (1865-1944)

Lettre autographe signée « Yvette Guilbert » à un monsieur
S.l., 16 sept . 1892, 4 p. petit in-8°

« Inutile d’étudier ses chansons… le souffleur est là. Ni même de les comprendre. C’est l’affaire du public cela… »

EUR 600,-
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Fiche descriptive

GUILBERT, Yvette (1865-1944)

Lettre autographe signée « Yvette Guilbert » à un monsieur
S.l., 16 sept . 1892, 4 p. petit in-8°, à l’encre noire sur sur vélin gris
Ancienne réparation au ruban adhésif sur le pli central (voir scans)

Rare lettre de la diseuse fin de siècle sur sa carrière et ses succès


« Monsieur,
Vous me demandez la recette que j’ai trouvée pour devenir étoile… Mon Dieu, c’est bien simple.
D’abord j’ai demandé un louis par soirée : on me l’a donné
Puis 4 louis… On me les a donnés !
Puis 10 ” —- !!
Puis 20 ” —- !!!
Puis 21 ” —- !!!!
Puis 35 louis… On me les a offerts !
Et c’est Monsieur Ducarre, le directeur de l’Alcazar d’été aux Champs Élysées qu’il faut aller trouver pour se confectionner une petite fortune […] De plus, vous prenez une paire de gants très noirs, mais des vrais gants noirs, bien longs… vous mettez dedans, deux grands bras… longs aussi, autant que possible… que vous laissez pendre négligemment sur votre ventre à hauteur convenable… Ça, c’est la grande affaire.. la hauteur… Vous vous en servez très peu de ces longs bras noirs… inutile de les fatiguer.
Vous prenez entr-autre chose : Un air bien embêté, et le public qui est bon, très bon se dit : Oh voilà… un femme qui est bien gentille… Elle est terriblement ennuyée cette petite femme là, et elle vient quand même nous chanter un petit air, Ça c’est vraiment très bien !
Il faut aussi nasiller à point, quand on se sert du nez, on épargne la gorge, c’est autant de gagné… il faut penser à tout.
Inutile d’étudier ses chansons… le souffleur est là. Ni même de les comprendre. C’est l’affaire du public cela…
Il faut aussi s’arrêter quelques fois entre les vers… À la Comédie française on appelle cela prendre des temps… faire autant que possible que le temps pris ne coupe pas un mot… et encore ! Cela n’a pas une importance..! Non. Enfin ce n’est rien du tout, qu’un peu d’intelligence et encore ! De la sérénité, du calme, voilà tout. Assurer au directeur que vous êtes accablée de talents…  qu’il est sous la peau, qu’il va sortir… tout est là.
Puis… On salue, sourit et sort…
Mille compliments cher monsieur
Yvette Guilbert »


L’année 1892 marque le début de la gloire et de la renommée dans la carrière d’Yvette Guilbert. Après des débuts de carrière difficiles, elle se produit à Liège puis Bruxelles à l’été fait son retour à Paris au début du mois de septembre et demande une augmentation à l’Éden-Concert, qui refuse. Elle rompt alors son contrat à grands frais puis obtient dans la foulée (fin septembre) un engagement au Moulin Rouge.
Elle fait la connaissance de Sigmund Freud en 1889, venu l’écouter à l’Eldorado, et entretiendra avec lui une correspondance soutenue.
En 1891, Proust lui consacre son premier article, et par la même occasion son premier travail littéraire, dans Le Mensuel.

On joint :
Une carte figurant Yvette Guilbert immortalisée par Henri de Toulouse-Lautrec

Provenance :
Coll. F.E.