MESRINE, Jacques (1936-1979)
Lettre autographe signée « El viejo » à sa maîtresse Jeanne Schneider
[Prison de Fleury-Mérogis], 7 déc. [19]76, 2 pp. in-4°
« Il y a une sacrée différence entre l’idée et l’acte. Beaucoup d’hommes parlent… très peu agissent comme ils parlent »
Fiche descriptive
MESRINE, Jacques (1936-1979)
Lettre autographe signée « El viejo » à sa maîtresse Jeanne Schneider
[Prison de Fleury-Mérogis], 7 déc. [19]76, 2 pp. in-4° sur papier ligné
En pleine tractation éditoriale pour son ouvrage L’Instinct de mort, Mesrine ne décolère pas contre l’éditeur Robert Laffont et envisage déjà la postérité de son nom
« Nanou d’amour,
Bonsoir mon ange… ce soir ton télégramme qui ne m’en dit pas long. Mais je pense que tu as voulu me dire que tu avais rendez-vous avec Simone Gallimard [directrice du Mercure de France] pour le lendemain ou au moins que tu en attendais la confirmation… Je compte sur toi pour que tout se fasse rapidement et cela avec les conseils de maître Aiche. Je me doute que [Robert] Laffont m’a joué un tour de cochon… J’attends de voir Aiche pour lui écrire ce que je pense, à la vérité, on m’avait déjà prévenu de me méfier de lui… ce matin j’étais furieux car en affaire j’aime que les choses se fassent vite ou pas du tout […] Cet après midi j’ai travaillé comme un fou. J’espère terminer mon bouquin [L’instinct de mort] dans deux jours. Tu sais ma puce je ne suis pas tendre avec Charlie car j’aime bien que les choses soient à leur vraie place… quand un homme prend le risque de raconter sa vie… il ne doit pas avoir peur de “sa vérité” et je ne veux pas que l’on se serve de mon nom pour s’inventer des grandes actions… qui dans la réalité sont restées imaginaires… Il y a une sacrée différence entre l’idée et l’acte. Beaucoup d’hommes parlent… très peu agissent comme ils parlent. Ce qui me fait sourire avec Laffont c’est que pour lui mes écrits sont trop forts. La vie d’un ennemi public n’est pas un roman à l’eau de rose que je sache… Si Charlie veut jouer la carte de l’enfant de cœur… moi pas.
Tu sais je rigole… car Laffont va regretter son incorrection… surtout que ce n’est pas moi qui avait été le chercher, dès que j’ai signé un contrat avec un autre… je fais un mot à certains journalistes pour lui rendre l’ascenseur […] Vivement vendredi que je puisse relaxer avec ta petite gueule de voyouse adorée devant moi. Au sujet de maman et de ses idées cons sur l’éducation de mes fils… tu laisses tomber… mais de faire croire à Boris [l’un des deux fils de Mesrine] que ses parents sont morts… retombera sur la tête à maman, le jour où mon fils apprendra la vérité. Que veux tu… elle lui a toujours caché la vérité… tout comme elle l’avait fait avec Sabrina [la fille de Jacques Mesrine] jusqu’à mon arrestation à Paris. Nanou d’amour, ton vieux voyou pose ses lèvres sur les tiennes […] Tu sais que je t’adore […] Bonne nuit mon ange […] El Viejo »
Jacques Mesrine rencontre Jeanne Schneider en 1968. Elle est une call-girl, dont les souteneurs ont été abattus par Mesrine, selon ses dires. Après plusieurs larcins commis en Europe, ils fuient au Québec et poursuivent leurs activités criminelles. Ils passent plusieurs années en prison, et ce malgré l’acquittement du couple suite au meurtre d’Évelyne Le Bouthilier (patronne d’un motel à Percé où le couple Mesrine-Schneider avait résidé le soir de l’assassinat).
Rentrée en France pour purger sa peine à Fleury-Mérogis au début de 1973, Jeanne apprend que Mesrine vient d’être arrêté à Boulogne-Billancourt et condamné à 20 ans de prison. Les deux amants entretiennent dès lors une correspondance amoureuse. Fatiguée de cette vie de gangster, Jeanne Schneider fini par se ranger et rompre alors que lui est toujours en prison. Mesrine ne s’arrête pas, condamne avec acharnement ses conditions de détentions et s’évade. Il tombe sous les balles de la BRI après 16 mois de cavale, le 2 novembre 1979, à l’âge de 42 ans.
Provenance :
Succession Jeanne Schneider