[MONET] DENIS, Maurice (1870-1943)

[MONET] DENIS, Maurice (1870-1943)

Lettre autographe signée « Maurice Denis » à Claude Monet
[Saint-Germain-en-Laye], 27 Xbre [décembre] 1926 [sic., 1925], 3 pp. in-8°
Maurice Denis s’est trompé sur la date, ayant écrit « 1926 » au lieu de « 1925 ».
À son en-tête : Le Prieuré / Saint Germaine-en-Laye
Infime déchirure en marge droite (sans gravité), infime manque en marge supérieur du second feuillet sans manque de texte

Lettre pleine d’admiration à son idole Claude Monet, détaillant avec précision la section consacrée à l’impressionnisme de sa fresque monumentale L’Histoire de l’art français, sous la coupole de l’escalier Dutuit au Musée du Petit Palais

« Vous savez quelle admiration j’ai pour vous, et moi je sais que vous n’aimez pas les compliments »

« Mon cher Maître et ami,
Je vous appelle Maître, bien que ce soit un mot bien galvaudé, parce que je n’ose pas vous appeler mon cher Claude Monet. Excusez moi dans tous les cas : vous savez quelle admiration j’ai pour vous, et moi je sais que vous n’aimez pas les compliments ; mais vous appréciez l’opinion des peintres, et les peintres connaissent l’immense valeur de votre œuvre – en particulier de votre dernière grande œuvre [Les Nymphéas].
Vuillard [cofondateur, avec Maurice Denis, du groupe des Nabis] me dit que cela vous ferait plaisir de voir votre portrait dans mon plafond. La photo que je vous envoie est tellement mauvaise que c’est un rude sacrifice pour moi de vous laisser voir une interprétation aussi plate de mon œuvre. Ce n’est qu’un document.
Le morceau que je vous envoie représente, de gauche à droite :
Courbet. – Vous (avec le peuplier). – Cézanne. – Rodin. – le modèle de Renoir. – Renoir.
Au-dessus : le champ de courses de Degas. – Berthe Morizot. – Degas – puis dans les arbres : Carrière. Moreau.
Au-dessous de la figure nue de Renoir : une desserte de Cézanne. – Un bout de portrait de Van Gogh. – La négresse de Gauguin.
Si vous passez un jour par les Champs Élysées, entrez au Petit Palais, vous verrez la couleur de ça, et du reste. Et puis vous aurez de l’indulgence, parce que c’est très difficile de remplir une vaste calotte comme celle-là en racontant des histoires.
Dès que les jours seront plus longs, je me permettrai d’aller encore vous déranger, un dimanche. Vous me pardonnerez parce que je vous savez que je vous aime beaucoup, vous et votre peinture.
Tous mes vœux de nouvel an, aussi pour Madame votre belle fille [Blanche Hoschedé-Monet], et mes sentiments très affectueux.
Maurice Denis »

Nombreux sont les peintres de la génération de Maurice Denis à vouer, comme lui, une profonde admiration à Claude Monet. Attelé à son projet monumental depuis février 1925, Denis conçoit pour la coupole de l’escalier Dutuit au Musée du Petit Palais une composition proposant un panorama de l’histoire de l’art français, du Moyen Âge au début du XXᵉ siècle. Les artistes de chaque période y sont représentés de manière chronologique, accompagnés de leurs œuvres emblématiques ainsi que de figures symbolisant leurs muses ou modèles. En arrière-plan, Denis a intégré des architectures caractéristiques de chaque époque. Le panorama se structure en six ensembles : le Moyen Âge, la Renaissance, Versailles, le XVIIIᵉ siècle, le XIXᵉ siècle, et les paysagistes avec l’impressionnisme. Dans cette dernière section, le peintre Nabi accorde tout naturellement une place centrale au « Maître », entouré d’autres grandes figures de l’impressionnisme.

La déférence avec laquelle Maurice Denis s’adresse à Monet témoigne de l’autorité écrasante que ce dernier exerçait sur ses pairs et sur les générations suivantes.