[NAPOLÉON] MONTHOLON (de), Charles-Tristan (1783-1853)
Lettre autographe signée « Montholon » au Journal des débats
Ham, 15 janvier 1844, 1 p. 1/2 in-4°
« Le corps de L’empereur Napoléon a constamment été gardé par le général Bertrand ou par moi depuis le 5 mai six heures du soir, moment où l’Empereur a rendu le dernier soupir »
Fiche descriptive
[NAPOLÉON] MONTHOLON (de), Charles-Tristan (1783-1853)
Lettre autographe signée « Montholon » au rédacteur en chef du Journal des débats [Armand Bertin ?]
Citadelle de Ham, 15 janvier 1844, 1 p. 1/2 grand in-4° (19,4 x 24,9 cm)
Résidus de ruban adhésif restaurés avec légère décoloration aux marges droites, petites rousseurs, manque à la deuxième page (bris de cachet)
Adresse autographe sur la quatrième page, compostage “Ham / 17 janv. 1841”
Quelques annotations typographiques d’époque
Extraordinaire lettre de Montholon rétablissant la vérité sur l’autopsie et l’inhumation de l’empereur Napoléon à l’île de Sainte-Hélène
« Monsieur le Rédacteur,
Plusieurs journaux ont répété d’après un journal anglais une anecdote de pure invention sur l’un des détails de l’autopsie de l’Empereur Napoléon.
Le soir de veiller auprès de ses dépouilles mortelles étoit un service sacré pour les français qui avaient eu l’honneur insigne de partager sa captivité, aucun de nous n’a failli à son devoir ; et je donne le démenti le plus formel, non seulement au fait que le cœur de l’Empereur ait été exposé à la profanation que l’on a inventée, mais aussi à ce qu’il ait été abandonné par le Général Bertrand ou par moi aux soins d’un chirurgien anglais.
Je suis comme exécuteur testamentaire de l’Empereur Napoléon, dépositaire de ses papiers de Ste Hélène et des procès-verbaux relatifs à sa mort, à son autopsie, à son inhumation, à l’Ile de Ste Hélène. Les procès-verbaux des 5.6.7.8. et 9 mai attestent que Sir Hudson Lowe et les chirurgiens Arnold [sic] et Mitchell désignés d’avance par le gouvernement Anglais ont seulement assistés à l’autopsie faite par M. Antommarchi , chirurgien ordinaire de l’Empereur Napoléon, de même qu’étoient présents le marquis de Montchenu Commissaire du Roi Louis XVIII et le comte de Balmen [sic] Commissaire de l’Empereur Alexandre.
Le corps de l’Empereur Napoléon a constamment été gardé par le général Bertrand ou par moi depuis le 5 mai six heures du soir, moment où l’Empereur a rendu le dernier soupir, jusqu’au 9 mai à midi qu[and] le cercueil a été déposé dans le caveau construit à la fontaine Tolbett au-dessous d’Hussgate, et Messieurs Marchand, Vignaly, Antommarchi, St Denis, Noverraz, Pierron, Coursot, Archambault n’ont pas cessé un seul instant de nous assister dans ce pieux service.
Veuillez Monsieur le Rédacteur insérer cette lettre dans l’un de vos plus prochains numéros et recevez je vous prie l’expression de ma considération très distinguée.
Montholon »
La mort de l’Empereur s’amorce le 17 mai 1821, quand ce dernier décrit à son entourage une douleur gastrique tel un « coup de canif ». Dès lors, Napoléon ne quitte plus le lit. Installé depuis le mois de septembre 1819 à Longwood, François Antommarchi (1789-1838) est désigné – sur l’insistance de la famille Bonaparte – nouveau médecin de l’Empereur. Antommarchi demeure impuissant face à la situation. Bertrand et Montholon ont finalement raison des réticences du malade et font appel au secours d’un autre médecin, britannique cette fois, le docteur Arnott. Cela n’y changera toujours rien. Napoléon meurt le 5 mai 1821 à 5h49 du soir.
Montholon est celui qui ferme les yeux de l’empereur. Le gouverneur de l’Île, sir Hudson Lowe, vient avec son état-major et le commissaire français, le marquis de Montchenu, constater officiellement la mort du « général Bonaparte ».
Dans son testament, Napoléon écrit : « Je lègue au comte de Montholon deux millions de francs comme une preuve de ma satisfaction des soins filials qu’il m’a donnés depuis six ans. Je lègue au Bertrand cinq cent mille francs. Je lègue à Marchand, mon premier valet de chambre, quatre cent mille francs. Les services qu’il m’a rendus sont ceux d’un ami. Je désire qu’il épouse une veuve, sœur ou fille d’un officier ou soldat de ma vieille Garde. J’institue les comtes Montholon, Bertrand et Marchand, mes exécuteurs testamentaires […] ».
Le corps est ouvert le 6 mai 1821 à 14 par Antommarchi, assisté de cinq médecins anglais : les docteurs Thomas Shortt, Archibald Arnott, Charles Mitchell, Francis Burton et Matthew Livingstone notent dans leurs procès-verbaux de l’autopsie l’existence d’un ulcère gastrique chronique perforé (ce qui aurait provoqué une péritonite fatale), probablement en évolution vers le cancer, et de lésions pulmonaires liées à la tuberculose. Avant de refermer le corps, le cœur et l’estomac en furent extraits pour être placés dans des coupes d’argent remplies d’esprit de vin.
On ne voit pas Montholon embarquer le 7 juillet 1840 sur la Belle Poule pour se joindre à l’expédition du retour des cendres. Il est cependant présent un mois plus tard au désastreux débarquement de Boulogne-sur-Mer, le 6 août. Cette aventure lui vaut d’être condamné par un arrêt de la Cour des pairs le 6 octobre 1840 à six ans de forteresse à Ham (département de la Somme). Son ami Gourgaud l’en fait sortir le 10 juillet 1846 après l’évasion de Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III.
Provenance :
Collection particulière
Bibliographie :
Nous n’avons pas retrouvé trace de la publication de cette lettre dans le Journal des débats. Elle fut néanmoins transcrite in-extenso (et fautive sur un mot) dans Le Patriote Français [2e année], 12 mai 1844, p.2.
Source :
Revue du Souvenir Napoléonien, Albert Benhamou, avril-juin 2011, p. 10-17