VERLAINE, Paul (1844-1896)

Manuscrit autographe de premier jet pour deux importants poèmes
[Paris, Hôpital Broussais, fin 1889] 3 pp. in-4 à l’encre noire

« A tous les vents du ciel ou plutôt de l’enfer »

 

VENDU
Ajouter à la sélection
Fiche descriptive

VERLAINE, Paul (1844-1896)

Manuscrit autographe de deux importants poèmes: « Un scrupule qui m’a l’air sot » (64 vers) et « De plus, cette ignorance de vous » (28 vers)
[Paris, Hôpital Broussais, fin 1889]
3 pp. in-4 à l’encre noire, sur des demi-feuillets à en-tête de l’Assistance publique.
Infimes trous, taches et pliures anciennes

Fascinant manuscrit autographe de premier jet, laissant apparaître les premières variantes de deux poèmes issus de son recueil Bonheur


XIII – Brouillon

1 Un scrupule qui m’a l’air sot comme un péché
2 Argumente : Dieu vit au sein d’un cœur caché,
3 Non d’un esprit épars, en milliers de pages,
4 En millions de mots hardis comme des pages,
[Vers intermédiaire entièrement caviardé et illisible]
5 A tous les vents du ciel ou plutôt de l’enfer,
6 Et d’un scandale scandale tel, précisément tout fier.
7 Il faut, pour plaire à Dieu, pour apaiser sa droite,
8 Suivre le long sentier, gravir la pente étroite,
9 Sans un soupir de trop, fût-il mélodieux,
10 Sans un geste au surplus, même agréable aux yeux,
11 Tout […], Laisser […] à d’autres l’art et la littérature
12 Et ne vivre que juste à même la nature
13 Tu pratiquais jadis et naguère ces us
14 Content de travailler en paix reposer à l’ombre de Jésus
15 Y pansant de vin, d’huile de lin tes blessures
16 Et maintenant, ingrat à la Croix, tu t’assures
17 En Sur la païen gloire profane et […] le renom païen
18 Comme si tout cela n’était pas trois fois rien,
21 Va, risque ton salut fou, ton salut racheté
22 […] aux vin Un temps, aux vrai pourtant par une vie autre, […] c’est vérité,
23 Que celle de tes ans primes, enfance molle,
Jeunesse folle et que âge […]
[…] folle fou
24 Age pubère fou, jeunesse molle et folle !
25 Rise ton âme objet de tes soins d’autrefois
26 Pour quels triomphes vains instant sur quels banals pavois ?
27 Malheureux ! __ Je réponds avec raison, je pense :
28 Je n’attends, je ne veux pas d’autre récompense
29 A ce mien grand effort d’écrire de mon mieux
19 Comme si tel beau vers, telle phrase sonore,
20 […] Chantait mieux qu’un grillon, brillait plus qu’un fulgores [sic]
30 Que l’amitié du jeune et l’estime du vieux
Lettrés qui sont au fond les seules belles âmes,
Car du public à le prendre où prendre un public en ces foules infâmes
D’idiotie en haut et folles par en bas ?
Où — mais le trouver ou pas, le mériter ou pas,
Le conserver ou pas — l’assentiment d’un être
Simple, naïf et bon, sans même le connaître
Que par ce seul lien comme immatériel,
[…]C’est tout mon attentat au vrai devoir réel,
[…] Essentiel gagner le ciel par les mérites,
40 Et je doute, Jésus […] pieux, que tu t’irrites
Pour quelque doux rimeur Pour quelque doux rimeur chantant ta gloire ou bien
Étalant ses péchés au pilori chrétien
Tu ne suscites pas l’aspic et la couleuvre
Contre un poème ou contre un poète ton œuvre,
Parce qu’il inquiet à Consolant les ennuis de ce morne séjour
Par un concert de foi, d’espérance et d’amour
Et Puis tu ne me fis-tu pas, Et puis tu n’as donné ce don avec le triste don de vivre,
Le don très fier sans quoi je meurs triste aussi, sans quoi je meurs ! d’écrire de faire un livre,
Une œuvre où s’attestât toute ma dignité quantité,
50 Toute, la fleur et tout bien la fleur d’un […]bien mal, la force et l’orgueil révolta
Des sens Des sens, et leur colère encore qui sont la même
au fond Luxure et tout au fond et bien la faiblesse suprême,
Et la mysticité, qu’il l’amour d’aller au ciel
ar le seul graduel du juste rituel,
Charité de patience au fond l’impuissance au fond la force
Douceur et charité, seule toute-puissance.
Tu m’as fait donné ce don et par reconnaissance
J’en use au donné librement, qu’on me blâme, tant pis.
58 Quant à
guetter quêter les voix, quant à tâter les pis
De dame Renommée, à ses heures marâtre,
Fi. Mais dans tous les cas, quel grand […], leur foyer ou son âtre
En Souffrent-ils de mon cas ? Quelle poutre en votre œil, etc.


Ce manuscrit, entièrement autographe, témoigne de la complexité du processus de création de Verlaine. Les multiples ratures et corrections qui le traversent en tous sens en font l’un des manuscrits les plus émouvants que l’on puisse trouver du poète.
Le poème portant le numéro XXII dans la version publiée de Bonheur est ici titré « XIII Brouillon ». Au verso de la première page figure un autre poème issu du même recueil, titré ici « III » mais qui sera finalement le numéro IV. On y lit six strophes, qui correspondent au début du poème tel que publié – manque cependant la troisième, ajoutée par la suite.
Bonheur paraît en 1891 chez Léon Vanier. Verlaine achève alors le projet conçu en 1885. Dans la notice des Hommes d’aujourd’hui, il indiquait son intention de composer un triptyque d’inspiration chrétienne : à Sagesse doivent s’adjoindre Amour et Bonheur.

 

Note: Verlaine, éd. de la Pléiade, Œuvres poétiques complètes, pp. 645-655, 660, 689-690, 1263 et 1267