MODIGLIANI, Amedeo (1884-1920)

Lettre autographe signée « Modigliani » au marchand d’art Léopold Zborowski
[Nice, Nuit du 31 décembre 1918 au 1er janvier 1919], 2 pp. in-8°

« J’ai vendu toutes les toiles. Envoyez vite l’argent. Le Champagne coule à flot. »

EUR 22.000,-
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Fiche descriptive

MODIGLIANI, Amedeo (1884-1920)

Lettre autographe signée « Modigliani » au marchand d’art Léopold Zborowski
[Nice, Nuit du 31 décembre 1918 au 1er janvier 1919], 2 pp. in-8°
Papier bruni, traces de pliures, encre pâlie sur certaines lettres, petites déchirures marginales

Très rare lettre de Modigliani écrite d’un ton facétieux lors du réveillon du nouvel an


« Minuit juste.
Mon cher ami.
Je vous embrasse comme j’aurai
[voulu] si j’avais pu… le jour de votre départ.
Je fais la bombe avec Survage
(1) au Coq d’or.
J’ai vendu toutes les toiles.
Envoyez vite l’argent.
Le Champagne coule à flot.
Nous vous souhaitons, à vous et à votre chère femme
(2) les meilleurs vœux pour la nouvelle année.
Resurrectio Vitae.
Ic incipit vita nova.
(3)
Il novo Anno !
Modigliani »
[Survage ajoute « bonne année ! » en russe puis, en français, « Vive Nice vive la première nuit de la première année »]


Cette lettre est envoyée depuis Nice, où Modigliani séjourne sous l’impulsion de son mécène, Léopold Zborowski. Ce dernier réussit à convaincre le peintre de partir pour la Côte d’Azur en compagnie de Soutine et Foujita, où il retrouve Cendrars, Survage et Paul Guillaume. L’artiste et sa compagne, Jeanne Hébuterne, enceinte de leur fille, y resteront un an. C’est à cette occasion il se remet à peindre avec entrain. Quelques-unes de ses plus belles œuvres ont été réalisées au cours de ce séjour, dont Nu debout, Jolie laitière, Garçon à la veste bleu, mais aussi deux des trois paysages qu’on lui connaît, et dans un style très cézannien.

Fait remarquable de cette période méridionale pour Modigliani : il est pour la première fois heureux, malgré sa maladie – qui l’emportera un an plus tard – et ses soucis financiers. Il a des projets, une considération optimiste de l’existence, s’amuse, et fête la nouvelle année avec Survage au Coq d’Or, un cabaret russe de Nice.

Le facétieux Modigliani ira même jusqu’à taquiner Zborowski en lui disant avoir « vendu toutes les toiles ». Il n’en est rien. Dans la lettre suivante, adressée au même, le peintre lui lancera « Vous êtes un ballot qui ne comprend pas la blague. Je n’ai rien vendu du tout. ».
Survage, plus tard, précisera d’ailleurs que le champagne n’était en réalité que du « gros rouge ! »

1- Léopold Survage (1879-1968) est arrivé à Paris en 1908. Il est proche d’Apollinaire, de Férat et sa cousine la baronne d’Œttingen, dont il devient l’amant. Ami de Modigliani, il passe quelques jours à ses côtés à Nice, loin de Paris et de la grosse Bertha qui pilonne la capitale à la fin de la guerre, et pour que Modigliani trouve un climat plus propice au travail. Survage est l’un des fondateurs de la Section d’or.

2- Anna Zborowska (1885-1978) épouse Zborowski en 1914. Elle a souvent posé pour Modigliani, mais aussi pour Vallotton, Utrillo, Derain, Foujita ou encore Kisling.

3- Modigliani écrit par erreur « Ic » pour « Hic ». On y lit une allusion transparente au début de la Vita Nova, de Dante : « ici commence la vie nouvelle ». Cette nouvelle année sera la dernière complète que vivra le peintre.

Références :
Modigliani, Lettres – éd. 1001 nuits, p. 51

On joint :
Un tirage argentique tardif figurant le fameux portrait Modigliani de face (12,9 x 8,6 cm)