APOLLINAIRE, Guillaume (1880-1918)

Quatrain autographe signé « G.A. » à Paul Lombard
[Nîmes], 15 mars 1915, 1/4 p. in-4to

« Tu regardes debout sur la tour cette guerre »

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Fiche descriptive

APOLLINAIRE, Guillaume (1880-1918)

Quatrain autographe signé « G.A. » à Paul Lombard
[Nîmes], 15 mars 1915, 1/4 p. in-4to
Traces de pliures, marges légèrement effrangées, une correction, traces typographiques

Savoureux quatrain épistolaire en alexandrins à son ami Paul Lombard


« Ainsi que Didier Lombard, ô Paul Lombard
Tu regardes debout sur la tour cette guerre
Prends garde qu’un conseil du civil de naguère
Ne fasse en un clin d’oeil un terrible soudard
G.A. »


Ce quatrain épistolaire à Paul Lombard, dont cette version manuscrite est inédite, fait partie d’un ensemble de poèmes échangés entre les deux amis entre février et avril 1915, quand Apollinaire, engagé volontaire, faisait ses classes à Nîmes.  Journaliste, Paul Lombard était un des fils de Jean Lombard, écrivain qui eut son heure de célébrité et auquel Apollinaire consacra un savoureux écho dans La Vie anecdotique, rubrique qu’il tenait au Mercure de France.  Didier Lombard était-il un autre de ses frères ?

Grâce à la publication récente des lettres adressées par Paul Lombard à Apollinaire, il est possible d’interpréter le quatrain comme une réponse à un précédent quatrain de Paul Lombard, envoyé de Paris le 13 mars 1915 :

Anticipations
Ton profil de médaille antique, Apollinaire,
A précédé ton nom dans l’immortalité
Mais ton soixante-quinze, irritable et crotté,
Restitue au passé la horde sanguinaire.

Le compliment s’accompagne d’une critique non voilée de la participation d’Apollinaire à la guerre. La réponse d’Apollinaire dénonce le retranchement de son ami dans sa tour (d’ivoire) protectrice et le menace d’une brutale métamorphose. Lui aussi, s’il prend conscience de la nécessité de l’engagement, peut devenir « en un clin d’œil » un militaire brutal et grossier… Autre façon de reconnaître avec lucidité la barbarie inhérente à la guerre à laquelle il a voulu participer, qui lui vaudra une blessure à la tête et probablement une mort prématurée.

Au-delà d’allusions privées, cet échange ainsi décrypté prend toute sa valeur : il témoigne de l’incompréhension qui s’instaure entre les combattants et les « embusqués », incompréhension qui va jusqu’à compromettre l’amitié d’antan.

Références :
Œuvres poétiques Pléiade, p. 827,
Œuvres complètes, tome 4, Balland et Lecat, p. 861,
Correspondance générale, 1915, tome 2, H. Champion, établie par Victor Martin-Schmets, p. 205,
Guillaume Apollinaire Poèmes en guerre, Les Presses du réel, édition établie par Claude Debon, 2018, p. 100.

Seule la version de la Correspondance générale ne se termine pas par un point final, ce que semble confirmer le manuscrit.

Le tome 3 de la Correspondance générale fournit quelques renseignements sur Paul Lombard et les rapports entre Apollinaire et lui, pp. 1032 et 1033 : références aux lettres d’A. à Paul Lombard et des envois.

Une dernière publication récente donne de plus larges informations grâce à la publication des lettres adressées par Paul Lombard à Apollinaire : Lettres reçues par Apollinaire, édition de Victor Martin-Schmets, tome III, H. Champion, 2018.

Bibliographie :
Lettres reçues par Apollinaire, Édition de Victor Martin-Schmets, tome III, Honoré Champion, 2018, pp. 532 à 539.