ARAGON, Louis (1897-1982)

Lettre autographe signée « Aragon » [à Philippe Hériat]
S.l.n.d [Paris, 18 novembre 1968], 1 p. in-4°

« Vous savez que j’entendais venir ce lundi… et tenter de passer outre à un incident dont les suites étaient pour le moins déplaisantes… »

EUR 1.400,-
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Fiche descriptive

ARAGON, Louis (1897-1982)

Lettre autographe signée « Aragon » [à Philippe Hériat, secrétaire de l’Académie Goncourt]
S.l.n.d [Paris, 18 novembre 1968], 1 p. in-4°
Parfait état hormis une infirme déchirure en marge supérieure
Annotation au crayon au coin supérieur gauche

Lettre acerbe ayant accompagné sa démission fracassante de l’Académie Goncourt


« Cher ami,
La lettre que je joins à ce mot est seule destinée à nos collègues. Je ne puis cependant faire autrement que d’y joindre un mot personnel.
Sans revenir sur les faits qui vous sont, au moins partiellement, connus, vous savez que j’entendais venir ce lundi Place Gaillon, et tenter de passer outre à un incident dont les suites étaient pour le moins déplaisantes. L’étrange comportement de certains m’en empêche. Je souhaite que le libellé purement “administratif” de ma lettre signifie pour vous que je n’ai pas l’intention d’oublier la nature toute différente des rapports qui ont toujours existé entre vous et moi.
Et, je l’espère, à bientôt.
Aragon »


Aragon est élu à l’Académie Goncourt le 15 décembre 1967. Il écrit à cette occasion : « comme je suis un farouche partisan du roman, je trouve normal de faire cause commune avec ceux dont la vie dépend de celle du roman ». L’idylle dure moins d’un an. Le 18 novembre 1968, il annonce sa démission. Les « bons camarades » de l’année précédente viennent d’être accusés de « cannibalisme » dans une lettre du poète romancier, qu’il rend publique d’abord sur les ondes d’Europe 1, puis dans le journal qu’il dirigeait depuis 1953, Les Lettres françaises : « Je ne tiens pas à m’associer à la sorte de cannibalisme qui règne entre certains de nos collègues ».
Aragon est accusé d’avoir manœuvré et usé de son influence pour que Clavel obtienne le prix de la ville de Paris pour l’année 1968, et l’écarter ainsi du prix Goncourt afin que le Graal revienne à son ami et admirateur François Nourissier. La campagne de presse lancée à l’encontre d’Aragon est initiée par le jeune Bernard Pivot, se faisant fort de révéler la « petite machination littéraire » dont aurait été victime le lauréat du Grand prix de la Ville de Paris. C’est également lui qui dévoile les intentions de vote des uns et des autres. Aragon soupçonne l’un des membres de l’Académie d’être à l’origine de cette fuite, qui finalement porte ses fruits malsains. On sait depuis que l’influence d’Aragon n’a pu qu’être limitée, le jury se composant de 26 membres, dont de nombreux gaullistes.
La lettre « ouverte » d’Aragon, envoyée sous le même pli que la nôtre, est aujourd’hui conservée aux Archives Municipales de Nancy.

Provenance :
Collection B. & R. Broca