ARTAUD, Antonin (1896-1948)

Lettre autographe signée « Antonin Artaud » à Jeanne Toulouse
Ivry-sur-Seine, 1er février 1848, 2 p. in-8vo avec enveloppe

« Je compte passer chez vous un jour très prochain vous apporter un exemplaire de mon Van Gogh »

VENDU
Ajouter à la sélection
Fiche descriptive

ARTAUD, Antonin (1896-1948)

Lettre autographe signée « Antonin Artaud » à Jeanne Toulouse
Ivry-sur-Seine, 1er février 1848, 2 p. in-8vo avec enveloppe autographe oblitérée

L’une des dernières lettres d’Artaud évoquant Van Gogh le suicidé de la société


« Chère Jeanne Toulouse et amie
J’étais venu venu [sic] vous voir il y a un mois dans une détresse sans nom.
Je compte passer chez vous un jour très prochain vous apporter un exemplaire de mon Van Gogh
Voulez vous avoir l’obligeance de m’adresser un mot 23 rue de la mairie à Ivry sur Seine pour m’indiquer quel jour je pourrai passer vous voir
dans l’attente de ce petit mot je vous prie de me croire cordialement et affectueusement vôtre
Antonin Artaud
23 rue de la mairie
Ivry sur seine »


Trente ans avant cette lettre, sur les conseils du docteur Dardel, Antoine Roi Artaud, père de l’écrivain, entre en contact avec Edouard Toulouse, psychiatre alors directeur de l’asile de Villejuif. Ce dernier accueille Artaud à son propre domicile et « compr[end], en [le] voyant qu’il [a] devant lui un être tout à fait exceptionnel, de cette race qui donne des Baudelaire, des Nerval, des Nietzsche. », d’après les mots de Jeanne Toulouse, épouse d’Edouard Toulouse, dont Artaud a d’ailleurs réalisé un portrait.

Cette missive est écrite un mois avant la mort d’Artaud, alors ravagé par la toxicomanie. Sa graphie nerveuse et la ponctuation parfois approximative témoignent des atteintes physiques et psychologiques des drogues.

Le « Van Gogh » qu’Artaud mentionne est son essai poétique Van Gogh, le suicidé de la société (1947), paru à l’occasion d’une exposition dédiée au peintre, récompensé par le prix Sainte-Beuve le mois suivant. Plus qu’un portrait du Hollandais époustouflant de fougue et de violence, nous pouvons lire dans cette prose une projection d’Artaud lui-même. En effet, pour grossir les traits, il prend le parti de la folie comme construction sociale destinée à exclure qui s’en prend aux institutions. Ainsi y dit-il que « la société a fait étrangler dans ses asiles tous ceux dont elle a voulu se débarrasser ou se défendre, comme ayant refusé de se rendre complices de certaines hautes saletés. » Van Gogh, Artaud sous couvert du peintre, mais aussi Nerval, Nietzsche, Sade – tout trois mentionnés dans l’essai – partagent l’ethos du supplicié livré à la psychiatrie.

Il émane de cet essai que la création peut être perçue comme un pacte faustien, dans lequel « [l’artiste] n’a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé, que pour se sortir en fait de l’enfer. » L’enfer de l’addiction, l’enfer de la psychiatrie instituée dont Artaud sort par l’écriture et van Gogh par la peinture.