[BAUDELAIRE] ZOLA, Émile (1840-1902)

Lettre autographe signée « Emile Zola » [à Léon Deschamps]
Paris, 20 mars 1893, 1 p. in-8° sur papier vergé

« Quelques lignes banales d’usage, sur Baudelaire… »

EUR 2.200,-
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Fiche descriptive

[BAUDELAIRE] ZOLA, Émile (1840-1902)

Lettre autographe signée « Emile Zola » [à Léon Deschamps]
Paris, 20 mars 1893, 1 p. in-8° sur papier vergé

Zola renonce à écrire un texte pour soutenir le projet d’un monument en hommage à Baudelaire


« Mon cher confrère,
Je suis si occupé, si lancé dans d’autres travaux
[Zola travaillait à son ultime volume des Rougon-Macquart], que je ne pourrais vous envoyer que les quelques lignes banales d’usage, sur Baudelaire. Et cela est vraiment ne serait digne ni de lui ni de moi.
D’ailleurs, ce tombeau ne devrait-il pas être érigé par les seuls poètes ? La prose y ferait tache, ce me semble.
Bien cordialement à vous

Emile Zola »


Léon Deschamps, fondateur de La Plume, lance le 1er août 1892 dans sa revue une souscription pour une statue en hommage à Baudelaire. Zola figure parmi les nombreux écrivains et artistes qui répondent favorablement à cet appel. Dans une lettre à Deschamps il écrit : « Je ne puis être que très fier de faire partie du comité pour un monument à Charles Baudelaire. Inscrivez-moi et c’est moi qui vous dis merci ». Cette courte épître sera reprise telle quelle dans le journal de Deschamps quinze jours plus tard, au côté d’autre figures littéraires de l’époque. Ferdinand Brunetière, défenseur du classicisme et du traditionalisme, va néanmoins s’opposer vigoureusement au projet, dans une tribune parue dans La Revue des deux mondes, le 1er septembre suivant. Après plusieurs mois de polémiques, le projet échouera (voir La Querelle de la statue de Baudelaire (août-décembre 1892), dir. André Guyaux, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2007).

Léon Deschamps avait une nouvelle fois sollicité l’écrivain naturaliste qui, dans cette sympathique réponse, décline l’invitation d’écrire un texte pour soutenir le projet, mis à mal par Brunetière et par quelques autres. Avait-il jugé suffisante sa participation au comité huit mois plus tôt ? Il n’avait pas toujours été indulgent à l’égard du poète, sans doute trop proche du réel pour apprécier « les gracieuses Mélancolies et les nobles Désespoirs qui habitent les régions surnaturelles de la Poésie » (Baudelaire, « Théophile Gautier », L’Artiste, 13 mars 1859). On souvient de l’article assassin qu’il écrivit dans Le Gaulois du 10 janvier 1869 (p. 3) : « Moi, je me l’imagine volontiers comme un cénobite littéraire qui se serait creusé une étroite niche dans une roche dure et qui y aurait vécu seul, en face des hallucinations de son cerveau détraqué. Ce ne fut point un créateur, et si son imagination s’emportait en audaces étranges, elle était singulièrement peu féconde […] Si l’on veut un jugement sommaire des Fleurs du Mal, je dirais : ‘Dans cent ans, les Histoires de la littérature française parleront de ce livre à titre de curiosité […]’ »

Lettre inédite