BEAUHARNAIS, Émilie de (1781-1855)

Lettre autographe signée « Beauh. De Lavalette » à son cousin Eugène de Beauharnais
S.l, [11] mai [1807], 5 p. in-12

« Nous avons été tellement abattus et découragés par la perte que vient de faire ma pauvre cousine qu’il m’a été impossible d’avoir deux idées à moi depuis le moment fatal »

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Fiche descriptive

BEAUHARNAIS, Émilie de (1781-1855)

Lettre autographe signée « Beauh. De Lavalette » à son cousin Eugène de Beauharnais
S.l, [11] mai [1807], 5 p. in-12

Longue lettre poignante au sujet du décès prématuré du jeune Napoléon-Charles Bonaparte, fils aîné du roi Louis Bonaparte et de la reine Hortense de Beauharnais, à l’âge de quatre ans et demi – Au-delà des vives douleurs décrites pour chacun des membres de la famille impériale, cette missive nous immerge parmi les proches du défunt, en témoigne son interruption puis sa reprise au moment du départ de l’Impératrice parti rejoindre sa fille à Laeken


« Nous avons été tellement abattus et découragés par la perte que vient de faire ma pauvre cousine qu’il m’a été impossible d’avoir deux idées à moi depuis le moment fatal qui nous l’a appris. Je comptais vous écrire, mais j’aurais été trop malheureuse que vous ne fussiez instruit que par moi de cette affreuse nouvelle actuellement qu’elle doit vous être arrivée et que je ne suis plus inquiète sur la santé de l’impératrice [Joséphine]. Je viens joindre ma douleur à celle si vive que je sens que vous devez éprouver. Cette affliction nous est à tous commune ; aimez-moi assez pour croire que telle force que soit la vôtre la mienne peut presque l’égaler. Vous concevez le désespoir de l’impératrice. J’ai eu à gémir des souffrances que je lui ai vu éprouver, je ne l’ai pas quittée un moment. Actuellement elle est beaucoup plus calme, elle a reçu une lettre du roi [Louis Bonaparte] qui en lui annonçant le mieux sensible de la reine [Hortense de Beauharnais] l’engage fort à vouloir bien venir jusqu’à Laeken et à écrire de cette résidence à sa fille afin de la décider à venir la joindre. Jusqu’à présent il n’a pas pu la décider à ce voyage qu’il regarde comme nécessaire absolument à sa santé et il ajoute qu’il n’y a que dans les bras de sa mère qu’elle peut trouver de la consolation et tout son désir est de l’y amener ; mais la reine dans son désespoir avait tout rejeté.
L’impératrice a accueilli cette idée avec empressement. Elle a même adouci beaucoup sa douleur car si elle n’eût qu’à consulter son cœur elle serait partie immédiatement pour la Haye ; mais ne sachant pas les volontés de l’Empereur [Napoléon Ier] elle a été obligée d’y renoncer. Elle [l’Impératrice Joséphine] vient de partir à l’instant. Ma lettre avait été interrompue je viens la reprendre. J’avais espéré être de ce voyage, il me semble que personne n’avait plus de droit que moi d’y accompagner l’impératrice. Je lui en avais témoigné le vœu. Croyez encore mon cher cousin, que malgré mes larmes de m’avoir refusée je n’ai pas même pu obtenir d’y aller de mon côté ; mais je respecte trop les volontés de l’Impératrice pour me révolter et ne pas me résigner mais cependant je souffre bien et c’est une peine bien vive que j’ai ressentie. L’Impératrice y a mis beaucoup de bonté il est vrai et a paru fort touchée de mon chagrin mais elle va sans suite et sous le nom de Mme de La Rochefoucauld qui l’accompagne. Il parait qu’il n’y a point de logement à Laeken et qu’aussitôt la reine arrivée l’Impératrice la ramène aussitôt. Voilà ce qu’elle a bien voulu me dire pour me consoler mais je ne me sens pourtant pas consolée. Les seules personnes du voyage sont Mme La Rochefoucauld, le général [Michel] Ordener et Mr Tuinat. L’Impératrice a, je suis sûre, pensé que si j’y allais chacun voudrait venir et j’ai pensé pour les autres ce n’est pas la première fois que j’ai donné l’exemple de la résignation et que l’Impératrice m’en a loué en m’encourageant mais ici je ne vous parle que de moi et je vous vois trop douloureusement affecté pour songer à vous occuper des choses si peu importantes ; c’est précisément parce qu’elles ont le même motif que ce qui cause notre peine que je n’ai pu m’empêcher de m’y arrêter. J’ai reçu une réponse charmante de Madame La Pce Augusta [Augusta-Amélie de Bavière, épouse de Eugène de Beauharnais]. Veuillez mon cher cousin lui offrir l’hommage de mon bien tendre attachement. J’espère que vous êtes toujours content de sa santé ainsi que celle de la petite princesse [Eugène de Beauharnais et Augusta-Amélie de Bavière venait d’avoir une petite fille, Joséphine Maximilienne Eugénie Napoléone de Leuchtenberg, née le 14 mars 1807]. J’ai reçu les chapeaux que vous avez bien voulu m’envoyer et je vous en remercie. Je fais partir en même temps que ma lettre une petite boite contenant les objets en cheveux. J’ai été peut-être un peu longtemps à vous les envoyer mais on me les a fait attendre et ne les ayant eus qu’au moment de partir pour St Cloud je n’ai pas voulu les envoyer sans ma lettre. Des cheveux de la Pcesse Augusta on a fait le cordon de montre. On y a suspendu une clef du même travail et un petit flacon qui est arrangé pour qu’on puisse y ajouter un cachet au bas. Quant au collier on a tiré tout le parti possible des cheveux que vous avez envoyés. Ils étaient très courts et pas en grande quantité. Cependant comme on a fait cette chaine élastique j’espère qu’elle se trouvera assez longue. Le travail en est assez joli. De quelques-uns des cheveux qui restaient encore des vôtres on a fait une petite croix émaillée ; c’est fort la mode ici. On peut la suspendre à un autre collier soit chaine en or ou autrement.
Je ne crois pas que quant au prix il soit nécessaire que vous m’en parliez, cela n’en vaut pas la peine.
Adieu mon cher et bon cousin, croyez à ma vive amitié et pensez que je compte toujours sur la vôtre.
Beauh. De Lavalette
Ce lundi [11] mai [1807]
Je vous envoie tout ce fatras en vérité ma lettre se ressent fort du décousu de mes idées. Ma foi, c’est le cœur qui m’a dicté tout ceci. Elle partira telle qu’elle est. Avec les personnes qu’on aime l’amour propre est mis de côté »


Napoléon-Charles Bonaparte (1802-1807), prince français et prince royal de Hollande, est le fils aîné du roi de Hollande Louis Bonaparte et d’Hortense de Beauharnais (fille de Joséphine de Beauharnais). Napoléon Ier était donc, comme frère de son père et père adoptif de sa mère, en même temps son oncle et son grand-père.
L’enfant unissait donc en lui le sang des Bonaparte et des Beauharnais, les deux familles – rivales – de l’empereur des Français et roi d’Italie Napoléon Ier. À partir de l’établissement de l’Empire, le 18 mai 1804, jusqu’à son décès, ce garçon fut considéré implicitement comme l’héritier du trône.
Le jeune Napoléon-Charles Bonaparte est mort dans sa cinquième année du croup (sans doute de type diphtérique) à la Haye après quelques jours de maladie, dans les bras de sa mère Hortense.
Comme en témoigne cette lettre, la reine Hortense fut très abattue pendant plusieurs semaines, au point d’inquiéter son entourage et l’empereur lui-même.
La mort de l’enfant affligea également l’empereur, qui apprit la nouvelle le 14 mai alors qu’il était en campagne militaire en Pologne
Napoléon, dès lors, commença à être très préoccupé par sa succession : ayant appris en décembre 1806, avant le décès de Napoléon-Charles, qu’il était le père d’un garçon (le futur comte Léon) d’une maîtresse, Éléonore Denuelle de La Plaigne, il fut convaincu de sa capacité d’être père. Joséphine s’inquiéta alors fortement de son avenir d’épouse impériale, qui devait s’achever le 16 décembre 1809.

Emilie de Beauharnais, comtesse de Lavalette est la cousine d’Hortense de Beauharnais (reine de Hollande). Elle est la nièce par alliance de l’impératrice Joséphine et devient pendant le Premier Empire suivante puis dame d’atours de l’impératrice Joséphine.

On joint :
Une lettre autographe signée de son époux, le comte Antoine Marie Chamans de Lavalette (1769-1830)