BERGSON, Henri (1859-1941)

Lettre autographe signée « H. Bergson » à un ami
Paris, 2 mars 1920, 3 p. 1/2 in-8°

« J’estime qu’en matière philosophique l’imprécis ne compte pas, et qu’il faut être trois fois sûr de ce qu’on apporte au public si l’on veut obtenir de lui un commencement d’adhésion »

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Fiche descriptive

BERGSON, Henri (1859-1941)

Lettre autographe signée « H. Bergson » à un ami
Paris, 2 mars 1920, 3 p. 1/2 in-8°

Longue et riche lettre inédite de Bergson sur la philosophie, la religion et l’art

Nous n’en transcrivons ici qu’une partie


« Mon cher ami,
Voilà bientôt deux mois que je me propose de répondre à votre aimable lettre. Mais j’ai été, et je suis encore, extrêmement fatigué. Je voulais vous dire que j’ai déjà échangé des lettres avec Monseigneur Söderblom au sujet de la fondation Olaus Petri. Il me serait impossible de trouver en ce moment le temps de faire des conférences et surtout de les préparer. Depuis bien des années je pense au problème religieux ; mais je ne veux rien dire ni écrire là-dessus tant que mes vues ne seront pas tout à fait au point(1).
J’estime qu’en matière philosophique l’imprécis ne compte pas, et qu’il faut être trois fois sûr de ce qu’on apporte au public si l’on veut obtenir de lui un commencement d’adhésion.
Je vous sais toujours avec le plus grand intérêt. Récemment encore je lisais un article de vous sur Herbert Spencer(2) […]. Combien j’aime cette critique par le dedans, qui participe de la philosophie et de l’art(3), et qui commence par se placer au centre (sans toujours le dire au lecteur) pour rayonner de là vers divers points de la périphérie !Elle n’aboutit pas – heureusement pour elle – à ces effets un peu gros par lesquels on obtient tout de suite la faveur du grand public. Mais elle finira par s’imposer.
Quoique je tienne l’avenir pour imprévisible, je ne crains pas me tromper en faisant cette prédiction-là.
[…] Je suis heureux de l’apprendre et très impatient de vous lire. Que ne publiez-vous cette étude dès à présent ! Elle viendrait à point pour redresser bien des erreurs, – dont quelques-unes, hélas !, ne sont pas involontaires. Et surtout elle apporterait de la doctrine à une interprétation qui ne peut manquer d’être personnelle et suggestive.
Bien sympathiquement à vous
H. Bergson »


1 – Bergson se consacrera à la question de la religion quelques années plus tard, en 1932, dans l’un de ses plus célèbres ouvrages : Aux deux sources de la morale et de la religion.

2 – Bergson écrira que la philosophie de Spencer « visait à prendre l’empreinte des choses et à se modeler sur le détail des faits. Sans doute elle cherchait encore son point d’appui dans des généralités vagues ».

3 – Dans La pensée et le mouvant (1938), le philosophe pose la question : « A quoi vise l’art, sinon à nous montrer, dans la nature et dans l’esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience ? »

Le philosophe développera sur le thème de la religion douze ans plus tard dans Les Deux Sources de la morale et de la religion, son dernier ouvrage.