CHATEAUBRIAND (de), François-René (1768-1848)

Lettre autographe (signée d’un petit paraphe) à Laure de Cottens
Paris, 24 mars 1835, 4 p. grand in-8°

« Je veux toujours aller mourir hors de France »

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Fiche descriptive

CHATEAUBRIAND (de), François-René (1768-1848)

Lettre autographe (signée d’un petit paraphe) à Laure de Cottens
Paris, 24 mars 1835, 4 p. grand in-8°
Traces de pliures d’époque
Sous chemise demi-maroquin noir moderne, titre « Chateaubriand » doré sur la tranche

Superbe lettre d’un Chateaubriand âgé et désabusé, livrant un regard sombre sur sa situation personnelle et la politique du pays, sans toutefois perdre espoir en l’avenir


« Vos lettres, Madame, me font toujours un bien que je ne puis dire. Elles sont bonnes, élevées et nobles comme vous. Je sais ce qu’il en coûte de quitter les lieux que l’on a aimés et soignés de ses propres mains. Mais la vie est un si perpétuel sacrifice que le mieux est de ne lui rien disputer et de la laisser nous emporter tout ce qu’elle nous dérobe chaque jour. Je suis toujours dans les mêmes résolutions et toujours arrêté par mes misères. Je veux toujours aller mourir hors de France, et ma première station sera certainement en Suisse, le plus près qu’il sera possible de vous, mais des affaires interminables, des arrangements qui se dérangent toujours, prolongent malgré moi mon séjour ici. Je ne m’occupe plus de politique ; je crois à une grande transformation sociale dont ni moi ni les générations qui me suivront ne verront la fin. Alors j’ai cessé de me débattre contre les décrets de la providence. Je n’ai plus de patrie, car la patrie est un lieu où l’on a des parents, des amis, des foyers paternels, et je n’ai plus rien de tout cela. Je bénirai le ciel, Madame, le jour où je pourrai vous revoir et espérer faire encore avec vous des promenades solitaires. Nous parlerons du passé qui fut meilleur et de l’avenir meilleur encore, car il sera avec Dieu.
Madame de Ch
[ateaubriand] n’a pas trop souffert cet hiver. Elle vous remercie de votre souvenir. Mille tendres hommages, Madame, ainsi qu’à toute votre famille. Je voudrais bien que cette lettre fût, pour vous, une petite consolation en quittant votre retraite [sans doute Madame de Cottens se trouvait-elle dans sa propriété de Begnin, avant de revenir à Lausanne]. Je pense qu’elle vous arrivera peut-être le jour de votre départ ! – »


L’écrivain terminait alors la rédaction des Mémoires d’Outre-Tombe, dont il avait déjà fait, l’année précédente, des lectures de la première partie chez son amie Mme Récamier. Laure de Cottens (1788-1867), fille d’une cousine germaine de Benjamin Constant, était également amie de cette dernière. Elle aida les Chateaubriand à se loger à Lausanne en 1826 et les revit souvent à Lausanne, Genève ou dans sa propriété des Begnins.

Bibliographie :
Le Correspondant, « Cottens », Saint-Quirin, 25 août 1901, p. 713-714
Correspondance générale, t. IX, éd. Agnès Kettler, Gallimard, 2015, p. 382-383, n°594

Provenance :
Vente de livres et autographes, Hôtel Drouot, 4 juin 1971, n°116
Puis collection Bernard Loliée