[NAPOLÉON] DAVOUT, Louis-Nicolas (1770-1823)

Lettre autographe signée « L Davout » à son épouse, Aimée Leclerc
Osterode [actuelle Ostróda en Pologne], 16 avril [1807], 6 p. in-4°

« Nous ignorons ici si les intentions pacifiques de notre empereur prévaudront sur les intrigues de nos éternels ennemis, mais dans tous les cas nous sommes plus en état que jamais de les faire triompher par nos armes »

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Fiche descriptive

[NAPOLÉON] DAVOUT, Louis-Nicolas (1770-1823)

Lettre autographe signée « L Davout » à son épouse, Aimée Leclerc
Osterode [actuelle Ostróda en Pologne], 16 avril [1807]. 5 pp. 3/4 in-4° sur papier azuré
Légère effrangure sur la cinquième page en marge gauche, sans atteinte au texte

Longue et superbe lettre du maréchal Davout, écrite lors de la campagne de Pologne, au défit de l’armée Russe, quelques semaines après la victoire à la bataille d’Eylau


« Je reçois ta lettre du 3 avril, ma bien bonne petite Aimée. Je ne conçois point comment tu ne m’as pas encore fai[t] un mot de réponse sur la prière que je t’ai faite de louer un hôtel à Paris. Je désire que tu prennes ce parti-là. La petite maison de l’Orangerie [les Davout occupaient alors ce logement, aux Tuileries] n’étant plus tenable, tu aurois trop à souffrir du bruit des ouvriers dans le moment de tes couches pour que je ne désir[asse] point vivement t’en voir sortir. Je serois plus tranquille si tu te rendois à mes réitérées sollicitations. Il ne faut pas conclure de mon changement de quartier général qu’il y ait des événements de guerre, nous sommes ici comme dans la plus profonde paix et il n’y a plus d’apparence que les Ru[s]ses pense à la troubler : il leur en couteroit trop. Je suis venu ici, l’empereur en étant parti, parce que j’en ai eu l’autorisation, Ditterswald étant un mauvais endroit [le maréchal Davout était auparavant cantonné à Dietrichswald, actuellement Gietrzwald en Pologne, près d’Olsztyn]. Je te donne ces explications sachant, ma petite Aimée, que tu es ingénieuse à te tourmenter. J’ai reçu hier une lettre de ce pauvre général Dumas qui m’annonce la mort de sa femme [Mathieu Dumas venait de perdre son épouse Adélaïde Julie Delarue]. C’est une grande perte pour lui et toute sa famille. J’ai eu une lettre de mon beau-frère [le frère de la maréchale Davout, le général Nicolas-Marin Leclerc Des Essarts, chef de l’état-major de la division Friant dans le 3e corps de la Grande Armée] du 29 mars, il me mande : “Est-ce que vous avez parlé de moi à S[a] M[ajesté] ? Vous avez mandé à ma sœur que j’aurois bientôt ce que je désirois”. Il me semble, ma petite Aimée, ne t’avoir point écri[t] cela , j’ai pu te mander que je profiterois de la 1re occasion pour exprimer ce désir et qu’il ne dépenderoit pas de moi qu’il ne fût bientôt réalisé, mais voilà tout – le fait est que j’ai eu occasion de parler de Beaumont, que l’empereur regrette que sa mauvaise santé l’ait empêché de faire la campagne, mais je n’ai pas eu l’occasion de pousser plus loin la conversation. J’ai vu avec plaisir que l’empereur étoit convaincu du mauvais état de santé de mon beau-frère. Les détails que tu me donnes sur notre Joséphine me sont d’autant plus agréables que je vois qu’elle te fai[t] passer des moments heureux et que tu es sans inquiétude sur les suites de sa dentition. J’envoie mille caresses à cette chère petite. J’ai rempli tes intentions pour la jument laissée à Francfort-sur-le-Mein Lorsque tu recevras cette lettre elle sera dans un herbage à Mayence et là elle y attendra mes deux autres juments que j’ai envoyées à Berlin. [Le maréchal Davout traite ensuite d’un projet d’acquisition de maison avec prés, et d’un possible envoi de fonds de sa part vers le 20 mai.] Peut-être que d’ici à cette époque j’aurai l’occasion de parler à l’empereur de tes embarras et de ta gêne. S’il y avoit jamais nécessité de l’entretenir de cela je le ferois, connoissant sa bienveillance, ainsi tu peux acheter cette maison… Tu as pris le bon parti de ne pas paroître vouloir l’acheter, c’est le moyen d’en faire l’acquisition à sa juste valeur… J’imagine que tu n’oublies pas de toucher mes appointements de maréchal qui sont de 3333 f. 33 c. par mois. Je t’ai laissé une autorisation à cet égard. Je ferai tes commissions près de Desessart. Nous ignorons ici si les intentions pacifiques de notre empereur prevaudrons sur les intrigues de nos éternels ennemis, mais dans tous les cas nous sommes plus en état que jamais de les faire triompher par nos armes – les armées sont plus nombreuses, bien disposées et bien reposées, et pour ce qui regarde le corps d’armée que je commande, il est, comme tous les autres, animé… du meilleur esprit et en outre il y a 3 régiments de plus. Mille choses à ta bonne mère et à M[adam]e Friand. Tranquilise-la sur son mari qui, ne pouvant faire la guerre aux Russes, la fait au gibier du pays [le beau-frère de la maréchal Davout, le général Louis Friant, qui s’illustra à Eylau à la tête de l’avant-garde du 3e corps].
Pour toi, ma chère petite Aimée, reçois mille et mille baisers de ton amoureux et fidèl[e] sposo [fidèle époux, en italien] L. Davout ».


Seul maréchal d’empire demeuré invaincu, Louis-Nicolas Davout, duc d’Auerstaedt, participa aux campagnes d’Égypte (1798-1800), d’Italie (1800), d’Autriche (1805-1809), de Prusse (1806), de Pologne (1807), de Russie (1812, où il fut le seul à ramener les survivants e son corps d’armée en bon ordre). Il s’affirma constamment comme un stratège et tacticien hors pair, un meneur d’hommes, et remporta des batailles décisives, ce qui lui valut la dignité de maréchal en 1804, puis les titres de duc d’Auerstaedt en 1806 et de prince d’Eckmühl en 1809. Napoléon Ier eut également recours à lui pour diverses missions délicates comme l’occupation de la Pologne en 1807-1808 et celle d’une partie de l’Allemagne de 1809 à 1812, ou encore comme ministre de la Guerre chargé de reconstituer une armée sous les Cent-Jours. Il se montra toujours d’une rectitude morale exemplaire : ainsi, après la chute de l’Empire, il fut l’un des rares à témoigner en faveur du maréchal Ney, puis, après deux ans de disgrâce, usa de son crédit retrouvé pour faire réhabiliter des généraux des Cent-Jours en assumant personnellement leurs actions menées alors sous ses ordres.