DESBORDES-VALMORE, Marceline (1786-1859)
Lettre autographe signée « Marceline Valmore » à Charles Pierquin de Gembloux
[Paris], le 6 juin 1833, 3 pp. in-8°
« J’ai fait remettre par l’éditeur pour vous un volume des Pleurs à un libraire de Grenoble »
Fiche descriptive
DESBORDES-VALMORE, Marceline (1786-1859)
Lettre autographe signée « Marceline Valmore » à Claude-Charles Pierquin de Gembloux
[Paris], le 6 juin 1833, 3 pp. in-8°
Gaufrage à sec “WEYNEN” au coin supérieur droit du premier feuillet
Cachets postaux , bris de cachet avec tout petit manque n’affectant pas le texte
Petits trous sur les deux feuillets avec léger manque (sans atteinte au texte) sur le second
Ancienne trace de montage
Marceline Desbordes-Valmore déplore la déconvenue subie par son mari au théâtre de Rouen et en profite pour faire parvenir à son correspondant son recueil poétique Les Pleurs, tout juste paru chez Charpentier
« Si vous étiez d’une nature à cesser d’être bon, je serais encore plus triste de tout ce qui m’arrive, car vous pourriez être injuste sur moi.
Un ouragan théâtral a brisé en un quart d’heure l’engagement de Valmore. On joue aux dés, à Rouen seulement dans l’univers, la destinée d’un artiste au renouvellement de l’année qui commence en avril. Et c’est en mai que l’ouverture du théâtre vient de se faire. Après un an d’épreuve, de faveur, d’estime et souvent d’enthousiasme, deux ou trois juges de ce tribunal secret ont jeté l’avenir de trois ou quatre familles dans un bol de punch, et Valmore, son père, moi et ses enfants, nous étions, le lendemain, à la merci de la Providence. C’est horrible ! Renvoyés sans indemnité, sans dédit, du soir même où ces forcenés se sont mis à hurler contre leurs victimes. Il y a eu un soulèvement fort honorable mais inutile pour Valmore, de tout le public indigné qui le redemandait à grands cris. On a tout cassé. Il y a eu des siffleurs roulés aux pieds, on a jeté des fauteuils dans le parterre. C’était à faire mourir de peur.
L’arrière-scène était un honnête homme exilé avec sa famille. Je suis montée en voiture le soir même, pour chercher un asile à Paris. Mais ce qui devait être est arrivé. Plus de courage que de forces. Je suis encore au lit après de grandes souffrances, ou plutôt un état d’immobilité où j’ai végété la fièvre sans souvenir, sans idées précises de mon sort. M. Harel [Charles Jean Harel, directeur du Théâtre de la Porte-Saint-Martin depuis 1832] nous a offert un coin que Valmore a accepté bien que les appointements soient encore modiques. Mais il espère L’augmenter bientôt. Nous prenons avec reconnaissance.
J’ai fait remettre par l’éditeur pour vous un volume des Pleurs à un libraire de Grenoble. Il vient de me dire tout à l’heure que le libraire est parti sans le volume et qu’il l’a mis à la poste. Vous le recevrez donc plutôt que ma lettre, vous et votre femme si indulgente. Lisez-le à travers votre amitié pour moi. Vous ne la donnerez à personne qui en soit plus digne, du moins par L’étrange malheur attaché à sa destinée. Il y a un côté lumineux et c’est vous qui l’avez éclairé pour mon cher Hippolyte. Quel bonheur de le sentir dans l’asile paisible et sur où vous l’avez placé ! Que puis-je vous dire de plus pour vous bien exprimer mon amitié pour vous. À toujours.
Marceline Valmore.
Si vous me répondez, que ce soit d’ici à dix jours à Rouen, où je retourne demain pour opérer tout ce déménagement, ou plus tard, chez M. Charpentier, éditeur-libraire, Palais-Royal, galerie d’Orléans, 20. »
Acteur et écrivain français, Prosper Valmore (1793-1881) est engagé par l’Odéon en 1819 où il reste deux ans avant de jouer à Lyon, Bordeaux et Rouen (1821-1833). Ses prestations ne sont pas toujours approuvées par le public rouennais. Brièvement de retour à Paris, il renonce à ravaler son talent aux seconds rôles à la Comédie-Française, et ce malgré l’insistance de ses amis et de sa femme Marceline. Il retourne finalement à Lyon pour renouer avec le succès et y tenir de nombreux premiers rôles.
Les Pleurs demeure le plus célèbre recueil de Marceline Desbordes-Valmore. Publié chez Charpentier en 1833, elle obtient de son ami Dumas père une préface synoptique la comparant à une harpe éolienne. Des poèmes tels La Jalouse, Le Songe ou Seule au rendez-vous figurent parmi les plus célébrés de son œuvre.
Provenance :
Collection particulière
Bibliographie :
La Vie douloureuse de Marceline Desbordes-Valmore, éd. Lucien Descaves, édition d’Art & de Littérature, Paris, 1910, p. 160-161