DESBORDES-VALMORE, Marceline (1786-1859)

Poème autographe : « Romance » [Seule au Rendez-vous]
S.l.n.d [après 1833], 1 p. 1/2 in-8° à son chiffre

« Ô menteur ! qui disait sa vie / Nouée au fuseau de mon sort »

EUR 4.500,-
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Fiche descriptive

DESBORDES-VALMORE, Marceline (1786-1859)

Poème autographe : « Romance » [Seule au Rendez-vous]
S.l.n.d [après 1833], 1 p. 1/2 in-8°
Ex-libris Robert de Montesquiou, au coin supérieur gauche
Petit manque au deuxième feuillet sans atteinte au texte

Provenant des collections Robert de Montesquiou et André Rodocanachi

L’un des plus beaux poèmes de Marceline Desbordes-Valmore, chef d’œuvre de la poésie romantique, issu de son recueil Les Pleurs


Plusieurs variantes inédites sont à observer avec la version publiée, dont une inversion des strophes 2 et 3

Titré ici « Romance », le poème tel que publié dans le recueil est intitulé Seule au rendez-vous
Au coin supérieur droit, elle dédie ce poème « pour Betzy »

« Ô menteur ! qui disait sa vie,
Nouée au fuseau de mon sort,
Criant au ciel que son envie
Était de mourir de ma mort :
Éclos sous le feu de mon ame,
Tremblant de s’y brûler un jour,
Il jeta des pleurs sur la flamme :
Ô menteur ! ô menteur d’amour !

Ivres d’un bonheur solitaire,
Nos ailes ont touché les cieux ;
Mais il est enfant de la terre ;
Il y retombe curieux.
à mes yeux plein de ses traits d’Ange
Le monde est voilé sans Retour ;
mais il a changé, le ciel change ;
Ô menteur ! ô menteur d’amour !

” Je n’ai fait qu’essayer de vivre,
Disait l’ange aux légers sermens :
” J’apprends tout ! j’ai trouvé mon livre
” Imprimé dans tes yeux charmans !
” Entre mon cœur et ta présence,
” Je ne peux plus porter un jour !… “
Entre nous il a mis l’absence :
Ô menteur ! ô menteur d’amour !

Je sais qu’une invisible chaîne
Jette son aimant entre nous ;
Je sais où finira ma peine ;
Mais je vais seule au rendez-vous.
La route sans fleurs et sans charmes
Fuira ! Pour se rejoindre un jour,
Doit-on passer par tant de larmes ?
Ô menteur ! ô menteur d’amour ! »


Marceline Desbordes-Valmore entre dans la vie artistique par une brève carrière théâtrale sous l’Empire. C’est cependant au travers de la poésie romantique que tout son génie se révèle, au point d’en devenir une figure centrale aux côtés de ses contemporains Hugo, Vigny ou encore Gautier. Après la publication de son premier recueil Élégies, Marie et romances, en 1919, de célèbres revues et journaux de l’époque lui montrent un vif intérêt, tels La Muse Française. Dans la Revue fantaisiste du 1er juillet 1861, Baudelaire écrit à son propos : « Elle fut à un degré extraordinaire l’expression poétique de toutes les beautés naturelles de la femme ». Presque trente ans après sa mort, la poétesse est sacralisée en « maudite » par Verlaine dans la seconde édition de ses Poètes Maudits, parue en 1888. L’influence de la poésie de Marceline Desbordes-Valmore fut, on le sait, considérable pour les générations suivantes de poètes parnassiens et symbolistes. Précurseur inattendu, on lui doit de nombreuses innovations stylistiques et métriques.
On connaît en outre l’admiration de Robert de Montesquiou pour Desbordes-Valmore. Le poète lui consacre une brillante étude, en 1894, éditée chez Lemerre : Félicité – Étude sur la poësie de Marceline Desbordes-Valmore. Montesquiou fait aussi partie du collectif pour Le Monument de Marceline Desbordes-Valmore (Crépin, 1896), pour lequel il écrit un remarquable discours, en tant que Président du Comité. Ardent défenseur de sa mémoire, c’est aussi lui qui prendra soin de la sépulture de la poète, au cimetière de Montmartre.

Mariée au comédien Prosper Valmore (1793-1881) en 1819, Marceline devient amante blessée par sa brève relation extra-conjugale avec le poète et journaliste Henri de Latouche (1785-1851). Ils s’écriront presque toujours et ne se reverront presque jamais. Si Latouche demeure implicitement le dédicataire de nombre des productions poétiques de Desbordes-Valmore, celui-ci semble apparaître ici comme une figure spectrale.
Ce poème, écrit sous forme de lamento, nous ramène à l’ethos du poète rattaché au courant romantique. Marceline Desbordes-Valmore, dont la voix semble exhaler des soupirs languissants, apostrophe son soupirant qui, par des accents fatalistes, finit par lui échapper. Seule au rendez-vous est issu du plus célèbre recueil de la poétesse : Les Pleurs, paru en 1833. Du point de vue de la métrique, ce sont ici quatre huitains en octosyllabes à rimes croisées. Chaque fin de strophe est renforcée par une anaphore accusatrice.

Parfaite et précieuse provenance :
Bibliothèque Robert de Montesquiou
Bibliothèque André Rodocanachi

Bibliographie :
Publié une première fois en 1832 sous le titre « Le Menteur d’amour » dans le Le Mémorial de la Scarpe (journal de Douai, d’où Desbordes-Valmore était originaire), le poème paraît dans son plus célèbre recueil : Les Pleurs – Poésies Nouvelles, Paris, Charpentier, 1833, sous la pièce XVIII
Œuvres poétiques
, éd. Marc Bertrand, Jacques André, p. 222-223 (plusieurs variantes avec le texte publié mentionnées supra)