ÉLUARD, Paul (1895-1952)

Poème autographe signée « Paul Eluard »
S.l.n.d, 1 p. in-8°

« Garcia Lorca a été mis à mort »

EUR 5.500,-
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Fiche descriptive

ÉLUARD, Paul (1895-1952)

Poème autographe signée « Paul Eluard »
S.l.n.d, 1 p. in-8° sur papier ligné
Ancienne traces de montage au verso

Célèbre poème dénonçant les exécutions de ses camarades poètes par les milices fascistes et franquistes

MANUSCRIT OFFERT PAR LE POÈTE À LOUIS PARROT


« Le feu fait danser la forêt
Les mains les troncs les cœurs les feuilles
Le bonheur en un seul bouquet
Confus léger fondant sucré
C’est toute une forêt d’amis
Qui s’assemble aux fontaines vertes
Du bon soleil du bois flambant

Garcia Lorca a été mis à mort

Maison d’une seule parole
Et des lèvres unies pour vivre
Un tout petit enfant sans larmes
Dans ses prunelles d’eau perdue
La lumière de l’avenir
Goutte à goutte elle comble l’homme
Jusqu’aux paupières transparentes

Saint-Pol-Roux a été mis à mort
Sa fille a été suppliciée

Ville glacée d’angles semblables
Où je rêve de fruits en fleur
Du ciel entier et de la terre
Comme à de vierges découvertes
Dans un jeu qui n’en finit pas
Pierres fanées murs sans écho
Je vous évite d’un sourire

Decour a été mis à mort

Paul Eluard »

[Éluard rajoute au crayon au coin inférieur gauche : « Pour Louis Parrot »]


Composé en 1943, ce poème figure parmi les textes les plus engagés d’Éluard. Construit en trois septains octosyllabiques, le poète y intercale, par deux monostiques et un distique aux formules anaphoriques, les noms de ses compagnons mis à mort par les milices franquistes et occupants allemand. Si par ailleurs les septains encouragent à l’élan de l’imagination, on remarque, par contraste, la froide simplicité des mots employés pour ses amis suppliciés, suscitant compassion, émotion et colère. Leur progression dramatique, dépourvue de tout pathos, permet à Éluard de nous confronter avec la brutale réalité des crimes de guerre.

D’abord publié dans Lettres, 1943, juillet, n°4, ce poème vient clôturer le recueil Le Lit la table, paru aux Éditions des Trois Collines à Genève, en 1944. Il est ensuite publié dans Poésie 44, n°20, p. 18-20, puis repris dans Per Catalunya, 1945, octobre, ainsi que dans Poésie 39-45, an anthology, Londres, 1947, avec la traduction anglaise par Roland Penrose en regard du texte français. Il est aussi publié dans Europe, 1953, juillet-août, p. 91-92, numéro spécial Paul Éluard, p. 122.
S’agissant toujours de ce poème, on trouve par ailleurs une note d’Éluard dans un appendice intitulé « Raisons d’écrire » qui se trouve dans le recueil 62, Au rendez-vous allemand :
« Signés de mon nom, ces poèmes [L’Aube dissout les monstres, Critique de la poésie et Enterrar y callar publiés sous le titre Trois poèmes dans Poésie 44, n°20, p. 18-20] avaient été confiés à Poésie 43, sous l’Occupation. La censure avait interdit leur publication. Transmis à nos amis suisses, ils étaient bientôt publiés dans Lettres, Traits, dans Domaine français et dans Le Lit la table, volume de poèmes édité par les éditions des Trois Collines. »

Signalé dans la Pléiade (p. 1630), ce manuscrit laisse apparaître deux variantes avec la version publiée : Le feu réveille la forêt / Les troncs les cœurs les mains les feuilles deviennent ainsi Le feu fait danser la forêt / Les mains les troncs les cœurs les feuilles.

Une amitié trouvant ses origines pendant de la guerre d’Espagne :
Lecteur à l’Université de Madrid où il fait la rencontre de nombreux poètes espagnols, Louis Parrot (1906-1948) y fait aussi la connaissance de Paul Éluard. Commence alors une profonde amitié entre les deux hommes, marquée par une abondante collaboration artistique. Il traduisent ensemble Ode à Salvador Dalí de Federico Garcia Lorca, parue en 1938. En mai 1944, Parrot publie chez Seghers une monographie sur Éluard, qu’il souhaita pour son ami être le premier numéro de la fameuse collection Poètes d’aujourd’hui. Parrot se fait aussi le correspondant de son ami en Zone libre pendant la guerre de 39-45. Il s’illustre enfin comme écrivain résistant collaborant aux éditions clandestines de Minuit, notamment au travers du recueil L’Honneur des poètes

Provenance :
Louis Parrot
Collection B. & R. Broca

Bibliographie [voir supra] :
Œuvres complètes I, éd. Marcelle Dumas et Lucien Scheler, Pléade, p. 1221-1222