ÉLUARD, Paul (1895-1952)

Manuscrit autographe signé « Paul Eluard »
S.l.n.d, 1 p. in-4

« La poésie est le reflet du monde. Ce que je dis, c’est ce que je vois et je dois forcément trouver un écho dans le cœur de mes semblables »

EUR 3.400,-
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Fiche descriptive

ÉLUARD, Paul (1895-1952)

« La Certitude d’avoir raison », manuscrit autographe signé « Paul Eluard »
S.l.n.d, 1 p. in-4
Traces de pliures, quelques froissures, annotations au verso d’une autre main

Superbe manuscrit de premier jet sur la vision de la poésie d’Éluard : influence sur les hommes, influence sur le monde, influence sur la construction du rapport des hommes à leur monde


« Il y a une tradition poétique et c’est la tradition de la découverte, de l’invention, la recherche d’un beau et d’un bien toujours nouveau. Le développement de l’imagination est lié à la transformation sociale : ils se commandent réciproquement. L’imagination change de monde. Il n’y a pas d’explorateurs ou d’inventeurs sans imagination. Cette reine du monde est la mère du progrès. Et, tout en donnant raison à [Vladimir] Maïakovsky, qui supposait l’existence dans la société de problèmes dont la solution n’est imaginable que par l’œuvre poétique », l’on peut espérer que l’œuvre poétique trouvera la solution par la résolution des problèmes sociaux.
La poésie est le reflet du monde. Ce que je dis, c’est ce que je vois et je dois forcément trouver un écho dans le cœur de mes semblables. Il n’y a sur terre qu’une vérité, celle de l’homme au service de tous les hommes, celle de tous les hommes au service de l’homme. La poésie ne sera bientôt plus un refuge. Elle devient la solution logique, car elle est la vie, une vie qui nourrit l’imagination, une imagination qui transforme la vie. Comme l’amour, elle doit être réciproque. Mais elle saut que cette réciprocité est entièrement fonction de l’égalité du bonheur matériel entre les hommes. Et l’égalité dans le bonheur porterait celui-ci à une hauteur dont nous ne pouvons encore avoir que de faibles notions.
Paul Eluard »


Cette réflexion sur ce qu’est la poésie selon Eluard vaut un petit tour d’horizon des différentes façons qu’il a eu d’envisager ce mode d’expression : Déjà avant la guerre, Eluard voit la poésie ainsi que le fruit d’un engagement esthétique, littéraire et politique. Avec Aragon et Breton, il suit de près les conflits idéologiques montants, mais refuse que l’art se soumette à ces problématiques. C’est d’ailleurs le recueil amoureux Capitale de la douleur (1926) qui est resté le plus connu du poète à cette époque. Cependant, durant la Seconde Guerre Mondiale, politique et poétique finissent par ne faire plus qu’un sous sa plume, et sa poésie devient une arme à part entière ; on pense naturellement au célébrissime hymne à la « Liberté » sous l’Occupation.

Le 28 novembre 1946, soit peu après la probable date de notre manuscrit, Nusch Eluard, l’épouse du poète, décède. Ce dernier renouvelle alors sa vision de la poésie, la faisant passer « de l’horizon d’un homme à l’horizon de tous ». Cette volonté d’universalité est superbement exprimée ici : « Ce que je dis, c’est ce que je vois et je dois forcément trouver un écho dans le cœur de mes semblables. » D’ailleurs, l’approche de la poésie comme le commun de tous découle d’une réflexion philologique sur les rapports des hommes au langage, dont la conclusion est que « Le poète […] nous rendra les délices du langage le plus pur aussi bien celui de l’homme de la rue que du sage, que celui de la femme, de l’enfant ou du fou. » (Les Sentiers et les routes de la poésie, 1952).

Une partie de ce manuscrit, les deuxième et troisième phrases, se trouve dans la section Poèmes retrouvés (tome II de la Pléiade p. 873), sous le titre Aujourd’hui la Poésie : il s’agit un fragment d’une conférence faite par Eluard, le 9 avril 1946, à l’Institut français de Prague.

Une autre partie, la dernière phrase, se trouve dans Avenir de la Poésie (Œuvres complètes, tome I de la Pléiade, p. 526). On sait qu’Eluard a fait de très nombreuses conférences et déclarations à Prague durant le printemps 1946, puis d’affilée, en Italie et en Grèce. On peut légitimement penser que ce manuscrit date de cette époque.

Lucien Scheler ne mentionne ce texte ni dans l’index alphabétique des périodiques ayant publié Eluard ni dans l’index chronologique. Pourtant, il y a des chances qu’il ait connu le texte, au moins par une copie dactylographiée. La signature et la mention au crayon semblent indiquer une publication.