FAURE, Gabriel (1845-1924)

Lettre autographe signée « Gabriel Fauré » à André Beaunier
S.l.n.d [Lugano, été 1910], 4 p. in-8to

« J’ai bien travaillé ici, non pas à Pénélope, mais à des pièces de piano, pour m’entraîner, des sonnets, sinon de longs poèmes »

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Fiche descriptive

FAURE, Gabriel (1845-1924)

Lettre autographe signée « Gabriel Fauré » à André Beaunier et sa femme Jeanne Raunay
S.l.n.d [Lugano, été 1910], 4 p. in-8to, en-tête du Grand Hôtel Métropole et Monopole de Lugano
Traces de pliures

Longue lettre inédite, enrichie d’un quatrain, dans laquelle Fauré évoque pêle-mêle sa Chanson d’Eve son opéra Pénélope et fait allusion à ses Préludes pour piano n°4 à 7


« Cher amis,
Vous pouvez vous douter de l’immense joie que je dois à André Beaunier et vous pensez bien que si, c’était possible, je vous en serais encore plus affectueusement attaché. Mais, ça n’est pas possible ! Il n’y a que ce trop délicieux complet final qui me gêne, car si je le prenais à la lettre, je perdrais une qualité qui fût jusqu’ici ma sauvegarde : l’incertitude du soi-même ! Ce qui n’empêche, au fond, que je l’ai bu et rebu avec ivresse.
J’ajoute que ce bel article que, seul, [Eugène ?] Brieux peut trouver très mal fait, lui a valu plus d’un aimable petit mot et, notamment, de ce bon gros Buscheim, lequel ajoute à des félicitations émues celles dont lui aurait fait part – non moins vibrantes – [Paul] Hervieu. Allons, tout va bien, tout va bien, excepté mes bronches et c’est d’Ems, désormais, que je réclamerai de vos nouvelles – pas par dépêche !
Mais à ce propos, – (ma lettre va ressembler à un Jeudi de Claretie), – indiquez-moi, cher André, un bouquin pas trop gros où je pourrai retrouver l’histoire sur cette fameuse dépêche d’Ems. Cela m’intéresserait particulièrement sur les lieux mêmes, – (oh combien sur les lieux !)
J’ai bien travaillé ici, non pas à Pénélope, mais à des pièces de piano, pour m’entraîner, des sonnets, sinon de longs poèmes.
Et la température a été presque toujours exquise. Quant à l’hôtel, c’est un délicieux désert où je règne en maître très gâté.
Mais, deux ombres au tableau :
1° L’Ems inéluctable. 2°, la pénible pensée que l’on aura bien longtemps, trop longtemps sans vous voir.
J’ai envoyé à [Gaston] Calmette un télégramme en même temps qu’à vous-même. Je tenais à lui témoigner ma gratitude de ce qu’il m’a décerné si amicalement tous les honneurs [réservés] à vous, et la meilleures place du journal.
J’espère que votre combinaison de Boulogne vous plait et qu’elle n’est pas trop fatigante. J’espère aussi que le chant ne chôme pas. Etes-vous enfin renseigné au sujet de Monte-Calo ?
Si vous voulez envoyer un mot à Ems, Hôtel Prince de Galles, où je serai mardi prochain, vous me ferez un infini plaisir.
Encore à tous deux mille mercis et mille bien affectueux et bien dévoués sentiments.
Gabriel Fauré
Ci-jointe l’image
d’un vieil enfant bien sage.
Et, si attentive, au piano,
La perle de Lugano.

Brieux dirait plus mal !

Cher ami, voulez-vous prendre la peine de demander que le Figaro me soit envoyé, à partir de lundi, à Ems, Hôtel Prince de Galles ? Merci »


André Beaunier, critique littéraire, et son épouse la cantatrice Jeanne Raunay étaient très proche de Gabriel Fauré. Ce dernier avait été témoin de leur mariage. Jeanne Raunay avait créé de nombreuses mélodies pour le compositeur, dont le cycle de La Chanson d’Eve.
Cette lettre fut très vraisemblablement écrite à l’été 1910 (Fauré résida à Lugano de juillet à octobre 1910). Il se rendit à Ems du 9 au 25 août, ce qui laisse penser que cette lettre fut envoyer au début du mois.
Les chaleureux remerciements de Fauré concernent peut-être un article que Beaunier aurait consacré à La Chanson d’Eve. C’est au cours de ce séjour à Lugano que Fauré, innerrompant la composition de Pénélope, composa les Préludes pour piano n°4 à 7, auquel il fait vaguement allusion.