FLAUBERT, Gustave (1821-1880)

Lettre autographe signée « Gve Flaubert » à Paule Sandeau
Croisset près Rouen, dimanche [26 août 1860], 1 p. in-8°

« Je m’ennuie de vous. J’ai bien envie de voir vos jolis yeux, votre jolie bouche & je vous baise les deux mains »

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Fiche descriptive

FLAUBERT, Gustave (1821-1880)

Lettre autographe signée « Gve Flaubert » à Paule Sandeau
Croisset près Rouen, dimanche [26 août 1860], 1 p. in-8°sur bifeuillet vergé bleu
Traces de pliures d’époque dues à la mise sous enveloppe, quelques petites taches, légère fente à la pliure centrale

Facétieux et dragueur, Flaubert s’impatiente de n’avoir pas reçu de réponse de sa correspondante 


« Eh bien, c’est joli ! voilà trois semaines que j’attends une lettre de vous [Flaubert a fait parvenir une lettre à sa correspondante le 5 août]. pas de nouvelles, rien !
Comment ! Je me transporte à Bellevue [le couple Sandeau y possède une propriété] afin de jouir de la vôtre (Pardon).
J’endure une chaleur africaine & la soif comme dans le désert. Je me rabats sur l’institut etc. [Jules Sandeau a été nommé conservateur adjoint de la bibliothèque Mazarine] enfin j’ai passé une journée abominable à courir après vous – vainement – & vous ne me dites pas que vous en êtes un peu fâchée.
Vous qui ne passez pas votre journée à écrire, – envoyez moi une très longue lettre.
Je m’ennuie de vous. J’ai bien envie de voir vos jolis yeux, votre jolie bouche & je vous baise les deux mains très longuement. Voilà tout ce que j’avais à vous dire, depuis que je suis
tout à vous
Gve Flaubert »


Très proche de Jules et Paule Sandeau, Flaubert entretient une riche correspondance avec le couple jusqu’à sa mort, en 1880. On ignore si Paule Sandeau et Flaubert furent amants.Les formules équivoques employées dans cette lettre pourrait ne laisser aucun doute si l’on ne connaissait le ton séducteur de l’écrivain auprès de la gente féminine.

Caroline Commanville, la nièce de Flaubert, témoigne dans ses souvenirs :

« Quant à sa femme [Paule Sandeau], malgré l’énormité de l’appendice qu’elle portait au milieu du visage, et une voix nasillarde, c’était plutôt une belle personne, agréable, grande, élancée, de gestes lents et gracieux ; elle tenait on ne peut mieux son salon, causant avec tous et au courant de tout. Elle m’avait prise en affection et aurait voulu m’avoir souvent chez elle ; me mener dans le monde était son désir. Ma grand-mère résista toujours et son refus de me laisser l’accompagner à un bal des Tuileries me fit verser des larmes, j’avais alors dix-sept ans. Dans le désir de s’occuper de ma personne, il y avait, je l’ai deviné depuis, le désir d’afficher son intimité avec mon oncle. Jusqu’où cette intimité est-elle allée, je ne saurais le dire. Elle fut certes très coquette avec lui, mais lui, je crois, se défiait d’elle ; il avait en quelque sorte peur de l’ascendant que pourrait prendre sur lui une femme de ce caractère ambitieux » (Heures d’autrefois, éd. Matthieu Desportes, Univ. de Rouen)

Maxime Du Camp, ami de jeunesse et intime de Flaubert, adresse une lettre à ce dernier dans des termes nettement plus explicites :

Le 5 août 1861, il écrit : « J’ai vu plusieurs fois la mère Sandeau avant mon départ [pour Baden-Baden] : elle a vraiment beaucoup d’affection pour toi, et elle m’a touché, elle a remué mon vieux cœur par la bonne façon dont elle parle de toi. Elle est bien bonne femme, douce et serviable ; mais je suis de ton avis, il y a ce sacré nez ; depuis que tu m’en as parlé, il me semble plus long qu’autrefois. Je crois que cela lui ferait plaisir de casser une croûte de sentiment avec toi. Baste ! fais un effort et casse-là, nez en plus ou nez en moins, qu’est-ce que cela fait ? Baise-la en levrette, le chignon cachera le pif. » (Pléiade III, Appendice I, p. 840).

Les diverses publications de cette lettre (dont celle de la Pléiade) se trompent sur son lieu d’envoi [Croisset et non Paris] et sur plusieurs mots.  Nous rétablissons ici la transcription de la lettre telle qu’elle fut écrite par Flaubert.

Provenance :
Alidor Delzant

Bibliographie :
Revue de Paris, publication par André Doderet, 15 juillet 1919, p. 236
Correspondance, éd. Conard, t. IV, p. 391-392 [datée « fin août 1860 »]
Correspondance, t. III, éd. Jean Bruneau, Pléiade, p. 105-106