GAUTIER, Théophile (1811-1872)

Poème autographe signé « Théophile Gautier »
[S.l.n.d], 1 p. in-8° à l’encre noire sur papier vergé bleu

« Oh ! que de votre lèvre il tombe / Sur ma lèvre un tardif baiser »

EUR 4.800,-
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Fiche descriptive

GAUTIER, Théophile (1811-1872)

Poème autographe signé « Théophile Gautier »
[S.l.n.d], 1 p. in-8° à l’encre noire sur papier vergé bleu
Pliures, résidu de cachet de collection, infime manque au coin supérieur gauche

Célèbre poème extrait de son recueil Émaux et camées, sommet de l’esthétique romantique qui préfigure le mouvement parnassien


« Denier vœu

Voilà longtemps que je vous aime :
L’aveu remonte à dix-huit ans ! –
Vous êtes rose, je suis blême ;
J’ai les hivers, vous les printemps.

Des lilas blancs de cimetière
Prés de mes tempes ont fleuri,
J’aurai bientôt la touffe entière
Pour ombrager mon front flétri

Mon soleil pâli qui décline
Va disparaître à l’horizon,
Et sur la funèbre colline
Je vois ma dernière maison.

 Oh ! que de votre lèvre il tombe
Sur ma lèvre un tardif baiser,
Pour que je puisse dans ma tombe
Le cœur tranquille, reposer !

Théophile Gautier »


« Dernier vœu » est le trente-deuxième des trente-sept poèmes qui composent le recueil Émaux et camées, demeuré le plus célèbre du poète. Comme la plupart des autres poèmes, « Dernier vœu » est construit d’octosyllabes en rimes croisées. Si la célébration du printemps et de la mort plane sur tout le recueil, elle est ici plus présente que jamais.
Bien que les premières pièces relèvent de l’esthétique romantique, l’essence de la conception parnassienne du poète évolue au fur et à mesure des publications, on n’en compte en effet pas moins de cinq entre 1852 et 1872.

La première publication de ce poème apparaît dans l’édition définitive [1872] du recueil.
Le 17 mai 1866, Gautier demande à Carlotta Grisi de copier sa « pièce de vers des Marronniers » et de lui envoyer cette copie, car il ne se souvient plus bien du texte. Gautier promet à Carlotta, en échange, une autre pièce de vers. Carlotta lui envoie cette copie le 22 mai et rappelle à Gautier sa promesse, concernant « l’autre poésie ». Gautier lui envoie le texte de celle-ci, avec ses remerciements, le [24 mai] : « […] pour votre peine vous aurez une autre poésie ». Cette « autre poésie » est « Dernier vœu », dans une version du poème sans titre (semble-t-il) et en 3 strophes (le poème, tel que publié pour la première fois dans l’édition définitive d’Emaux et Camées, en comptera 4).

Manifeste de l’Art pour l’art préfigurant le parnasse
Émaux et Camées fait partie des manifestes de l’Art pour l’art : le culte de la beauté, la perfection de la forme guident le poète, qui choisit de ne retenir du monde que les fugitives visions de grâce qu’il entrevoit, même au travers de la mort.

Gautier, le « poète impeccable »
Bien que le Parnasse s’emploie à tenir cette promesse de l’Art pour l’art, Gautier entend mettre à l’œuvre dans sa poésie une sensibilité à nulle autre pareille. L’homme secret et rêveur, merveilleux distillateur de poésie pure, mène alors une quête passionnée vers la perfection. Il fait l’admiration de grands poètes de son époque tels que Mallarmé ou Baudelaire ; ce dernier, dans sa dédicace des Fleurs du Mal, le qualifie de « parfait magicien des lettres françaises » et de « poète impeccable ». Il conquiert aussi Wilde, outre-Manche, et les musiciens Berlioz, Gounod et Fauré, qui font la célébrité d’Émaux et Camées en en mettant des textes en musique.

Références :
Œuvres poétiques complètes, éd. Michel Brix, Bartillat, p. 564
Correspondance générale, éd. Pierre Laubriet, Librairie Droz, p. 233 et 239
Émaux et Camées, éd. Gothot-Mersch, Gallimard, p. 142