HUGO, Victor (1802-1885)

Lettre autographe signée « Victor Hugo » à Eugène Pelletan
Hauteville House, le 2 avril [1861], 2 pages in-8 sur bifeuillet

« Pourquoi avons-nous voulu être fidèles à la liberté, et à nous-mêmes ? »

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Fiche descriptive

HUGO, Victor (1802-1885)

Lettre autographe signée « Victor Hugo » à Eugène Pelletan
Hauteville House, le 2 avril [1861], 2 pages in-8 sur bifeuillet
Infime déchirure en marge supérieure, sans atteinte au texte, résidu de cachet de cire

Belle lettre d’exil du poète proscrit au sujet de la liberté


« Vous m’avez envoyé votre livre dans mon exil, je vous envoie le mien dans votre prison. Ces échanges-là sont tout simples dans notre temps entre deux hommes qui ont voulu rester debout. C’est votre faute comme c’est la mienne. Pourquoi avons-nous voulu être fidèles à la liberté, et à nous-mêmes ? En somme, je trouve cela bien ainsi. [Raymond-Théodore] Troplong au Sénat ; Pelletan en prison.

Puisse mon livre vous rendre un peu du bonheur que m’a fait le vôtre. Avoir mis cette mère de Marguerite dans la naissance d’une ville, c’est une idée pathétique ; vous mêlez les vieilles mœurs aux nouvelles, et vous en faites jaillir le drame. Marguerite et Samuel, quelles figures ! L’émotion est profonde et vraie. Quelles pages tour à tour gaies et splendides, et quel [sic] irrésistible mélancolie dans ce calme de la fin ! Encadrer toutes ces douleurs dans l’idée de progrès, c’est une haute pensée. Vous m’avez nommé deux fois dans cette belle œuvre ; cher poète, je ne vous remercie pas, je vous aime.

Peut-on ne pas vous envier ? Au moment même où votre œuvre vous fait glorieux, la persécution vous fait populaire. Je vous envoie, du fond du cœur, mon plus fraternel serrement de main. Victor Hugo »


Victor Hugo accuse ici réception du dernier ouvrage d’Eugène Pelletan, La Naissance d’une ville, Pagnerre, 1861 [Il s’agit de Royan]. On cherchait alors un prétexte pour poursuivre Eugène Pelletan en justice. Il fut fourni, le 3 novembre 1860, par un long article de six colonnes : La liberté comme en Autriche. Pelletan y pose le paradoxe que représentait le spectacle de l’Autriche, symbole même de l’absolutisme en Europe, à l’intérieur duquel l’empereur François-Joseph introduit des réformes libérales, et de la France, patrie de la liberté, soumise à l’omnipotence de Napoléon III. Poursuivi pour « excitation à la haine et au mépris du gouvernement », il est condamné à trois mois de prison et 2000 francs d’amende.

Raymond-Théodore Troplong (1795-1869) est un juriste et homme politique. Corédacteur du texte initial de la Constitution de 1852, il est élu sénateur la même année. Il soutient le coup d’État de Napoléon III et est rapporteur du sénatus-consulte rétablissant l’Empire.