HUYSMANS, Joris-Karl (1848-1907)

Poème autographe [signé]
S.l.n.d, 1 p. in-8° sur vergé

« Et l’anus embroché sonna son doux flic-flac »

EUR 4.500,-
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Fiche descriptive

HUYSMANS, Joris-Karl (1848-1907)

Poème autographe [signé] : « Sonnet masculin »
S.l.n.d [avant 1881], 1 p. in-8° sur vergé
Petites taches d’encre, pli central habilement restauré, petites déchirures aux marges supérieures et inférieures. Annotation au crayon « 2 » au coin supérieur droit.

Fameux sonnet pornographique dépeignant une scène de prostitution homosexuelle

Provenant de la bibliothèque Stéphane Mallarmé, seul manuscrit connu


« Les rideaux tout souillés des morves d’un branlé
Enveloppaient le lit — Un bidet rempli d’eau
Attendait — Le vieillard entra — mit son cadeau,
Cinq francs, dans une coupe en zinc — et l’enculé

Tournant le dos porta ses jumelles rondeurs,
Dames-jeannes d’amour, au bouchon du miché.
À grand’aide de suif, il fut vite fiché
Dans cette cave en chair où fument des odeurs

De salpêtre et de bran, ce dard qui sautillait,
Éperdu, dans ses doigts ! — Après un long effort,
Il entra jusqu’au ventre en ce trou qui bâillait

Et l’anus embroché sonna son doux flic-flac.
C’est bon, dis, petit homme,  oh oui ! va, va, plus fort
Ah ! reste — assez — laisse — ouf ! — Et l’on entendit clac ! »

[J.K. Huysmans]


Connu comme romancier et critique d’art, Huysmans s’est pourtant laissé tenter par la composition versifiée. À ses débuts probablement, au moment où il cherche sa voie. Lorsqu’il fait paraître son premier livre, Le Drageoir à épices, en 1873 (devenu Le Drageoir aux épices dans la réédition de 1874), il place un sonnet en tête de ce recueil de poèmes en prose et de nouvelles. Les deux sonnets obscènes qu’il publiera plus tard, dans Le Parnasse satyrique du dix-neuvième siècle, pourraient dater de cette époque. C’est en tout cas l’hypothèse que font deux témoins a priori fiables, Henry Céard et Jean de Caldain :
« C’est en ces années de folle jeunesse (les années 1873-1874) que Huysmans écrivit des sonnets destinés à l’enfer des bibliothèques et que, pour des raisons que l’on comprend, il ne tente de reproduire dans aucun recueil : le Sonnet pointu (ou Sonnet masculin) et le Sonnet saignant (ou Sonnet féminin). »
Composé exclusivement en rimes masculines – en conformité prosodique avec le sujet -, le Sonnet masculin relève aussi, du point de vue formel, de la tradition du sonnet « libertin » (construit sur quatre rimes dans les quatrains : abba, cddc, et non sur deux rimes comme le veut la règle héritée des poètes de la Pléiade). Une tradition que Baudelaire avait abondamment illustrée dans Les Fleurs du Mal.
Le Huysmans comptant les syllabes et cherchant des rimes est sans doute inattendu, mais on le reconnaît, à son goût du mot rare ou pittoresque, à son réalisme cru, à son pessimisme tourné vers le ridicule ou la laideur.

Il n’est pas coutume que les manuscrits d’œuvres libres, versifiées ou en prose, soient signés de la main de leur auteur. Le présent poème ne fait pas exception à la règle. Dépourvu de ratures, ce manuscrit fut sans doute destiné à l’impression. La signature pourrait avoir été rajoutée par l’éditeur ou un prote.

De toute rareté.

Provenance :
Bibliothèque Stéphane Mallarmé,
Henri Charpentier (président de l’Académie Mallarmé),
Collection F. & P. M.,
Collection Galy

Bibliographie :
Le Parnasse satyrique du dix-neuvième siècle, t. III, Bruxelles (sous le manteau), Kistemaeckers, 1881, p. 132-133

Nous remercions André Guyaux pour les renseignements qu’il nous a aimablement communiqués