JACOB, Max (1876-1944)

Lettre autographe signée « Max Jacob » à un ami
St Benoît-sur-Loire, Loiret, 23 fév[rier] 1926, 2 p. grand in-8°

« Valadon est une grande artiste qui sent profondément et a une très grande science. Elle n’a pas la place qu’elle mérite »

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Fiche descriptive

JACOB, Max (1876-1944)

Lettre autographe signée « Max Jacob » à un ami
St Benoît-sur-Loire, Loiret, 23 fév[rier] 1926, 2 p. grand in-8°

Longue lettre inédite du poète – tout récemment revenu de son fameux voyage en Espagne – dans laquelle il se livre sans détour en tant que critique d’art


« Cher ami,
Je me demande si j’ai répondu à votre lettre du 30 janvier. En tout cas je vous dois des remerciements pour la rapidité avec laquelle vous avez aidé mon voyage en Espagne et la part que vous avez à mes joies. Je vous parlerai un jour de ce voyage. Sachez que j’y ai fait une conférence ! une conférence sur le sens des Évangiles, rien que ça ! oh ! ce n’était pas calotin du tout, ni scientifique, ni évangélique, c’était visuel[e]ment intéressant. Sachez aussi que j’ai vu en 8 jours assez de peinture pour en être rassasié. Mais je veux seulement répondre à votre lettre. L’église de ma gouache est celle de Landivisiau, près de Morlaix et mes costumes sont de ce pays aussi.
[Jules] Depaquit était un conteur inouï, un homme d’un esprit inventif et mordant bien qu’enfantin. Je sais qu’il a fait des tableaux, j’en ai peu vus ; les dessins sont des caricatures, plus fortes que celles qu’on voit généralement et d’une invention parfois exquise. Il y a de bons Depaquit. Je ne crois pas qu’il ait rien fait aux dettes de lui-même (ce qui est la marque des grands artistes). Il y a des amateurs, des collectionneurs de Depaquit : Je suis à mon aise pour dire que je ne serai pas de ceux-là ; il y a là trop de clarté, aucun mystère, aucune humanité vraie. Comparez avec [Honoré] Daumier ou même avec l’ancêtre direct : Caran d’Ache. Caran d’Ache allait plus loin à qui y pense ? Depaquit n’est d[an]s son dessin ni mordant, no mordu.
[Suzanne] Valadon est une grande artiste qui sent profondément et a une très grande science. Elle n’a pas la place qu’elle mérite. Voilà mon avis – mais n’attendez pas une force de verdict à mes modestes opinions.
J’ai vraiment un grand désir de vous voir et je me sens votre ami de tout cœur
MAX JACOB
Je vous signale un bourgeon bien intéressant : Mlle André Ruellan 50 rue Vercingétorix »


Max Jacob avait été invité à faire une conférence par la Société des conférences à Madrid et à intervenir à la Résidence des Etudiants à Madrid par José Bergamin. De nombreux communiqués seront édités sur ce séjour. En 1934, José Bergamin publiera dans sa revue Cruz y raya les deux conférences prononcées : « Le vrai sens de la religion catholique » et « Les dix plaies d’Egypte et la douleur ».
André Level contribua à financer ce voyage de 1926. Notre lettre, adressée à un ami, semble remercier son soutien – par l’achat d’une gouache (Eglise de Landivisiau), sans doute. Il s’agit d’une relation d’affaire de Jacob qui a sollicité des renseignements, en particulier sur Depaquit – ami de l’époque montmartroise de Jacob – et à qui l’auteur recommande Andrée Ruellan, peintre, compagne de Jean Aurenche à l’époque.

Le poète ne manque pas de saluer les œuvres de Suzanne Valadon, cette « grande artiste », jadis modèle pour entre autres Renoir, Toulouse-Lautrec, qui est devenue l’une des figures majeures du post-impressionnisme et de l’École de Paris.

Nous remercions madame Patricia Sustrac pour les renseignements qu’elle nous a aimablement communiqués