JACOB, Max (1876-1944)
Lettre autographe signée « Max » à Pierre Lagarde
[St Benoît sur Loire], 10 août [19]42, 1 p. in-4°
« Je puis plus souffrir de mes médisances, de mes regards sensuels que des persécutions aux juifs »
Fiche descriptive
JACOB, Max (1876-1944)
Lettre autographe signée « Max » à Pierre Lagarde
[St Benoît sur Loire], 10 août [19]42, 1 p. in-4° sur papier brun
Traces de pliures d’époque, légères brunissures au pli central et en marge droite avec quelques infime déchirures, annotations typographiques
Importante lettre du poète livrant ses considérations sur la persécution des juifs sous l’occupation
« Cher Pierre,
Nous ne sommes pas sauvés par les malheurs extérieurs mais par la manière dont nous les recevons, dont nous compatissons, dont nous les adoptons. La souffrance intérieure relative à des événements de moindre importance est aussi valable que l’autre. Tout est dans cette écharde dans la chair dont parle St Paul. Nos repentirs peuvent équivaloir au déluge, et je puis plus souffrir de mes médisances, de mes regards sensuels que des persécutions aux juifs. L’un n’empêche pas l’autre d’ailleurs et l’ensemble constitue une fin de vie que je n’attendais pas […]
J’ai reçu la visite d’un garçon de 18 ans, employé de banque qui fait de la peinture. Il a fini par m’avouer qu’il voudrait entrer dans le sein de l’Église. J’ai obtenu qu’on le prenne “en retraite” au petit monastère d’ici. Il s’appelle Jacques Doucet1 . Prie pour lui. Prie aussi pour mon pauvre frère aîné emprisonné à Quimper sans prétexte2.
Excuse ma brièveté et crois moi fidèle
Max »
1- Il s’agit bien du peintre de l’abstraction lyrique Jacques Doucet (1924-1994) cofondateur et membre du mouvement CoBra 1948 et ami intime de Max Jacob.
2- Gaston Jacob, frère aîné de Max, est arrêté en 1942 à Quimper. Il meurt en déportation à Auschwitz l’année suivante.
Figure centrale de l’avant-garde montmartroise et montparnassienne, converti en 1915 au catholicisme après avoir eu plusieurs visions, Max Jacob quitte Paris en 1936 pour s’installer à Saint-Benoît-sur-Loire dans le Loiret. Il y mène une vie monacale. Ses travaux poétiques et médiations, en partie reprises par Pierre Lagarde dans son admirable ouvrage Max Jacob – Mystique et martyr (La Baudinière, 1944), se rapprochent du courant quiétiste. Il assume dès lors sa vie de pêcheur comme condition de sa rédemption. Ses origines juives lui valent, six mois avant la libération de Paris, d’être arrêté par la Gestapo, destin qu’il accepte comme un martyr. Il est interné par la gendarmerie française au camp de Drancy et y meurt cinq jours plus tard, quelques heures avant sa déportation programmée pour Auschwitz.
Provenance :
Archives Pierre Lagarde
Puis collection particulière, Christie’s, 14 déc. 2023, n°109
Bibliographie :
Max Jacob – Mystique et martyr, éd. Pierre Lagarde, La Baudinière, 1944, p. 41 (transcrite partiellement)