LAMARTINE (de), Alphonse (1790-1869)

Lettre autographe signée « Lamartine » à un écrivain
S.l [Saint Point] le 10 août 1838, 4 pages in-8 sur bi-feuillet

« Ce seront quelques heures de gloires volées à la vérité »

 

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Fiche descriptive

LAMARTINE (de), Alphonse (1790-1869)

Lettre autographe signée « Lamartine » à un écrivain
S.l [Saint Point] le 10 août 1838
4 pages in-8 sur bi-feuillet, trace de pliure centrale due à l’envoi d’origine

Longue et remarquable lettre de Lamartine à propos de son roman en vers La Chute d’un Ange et sur sa vision de l’anarchie


« J’ai lu l’admirable excuse que vous avez écrit de la chute d[‘un] ange. J’en ai été si touché que j’avais commencé à vous répondre en poète, c’est-à-dire en vers. Mais sont survenus des mémoires sur les besoins du département des requêtes au conseil général et le crayon s’est brisé. J’ai repris la plume qui me sert bien mais dans quinze jours après le Conseil nous nous reverrons.
Sérieusement si je n’avais pas fait la Chute d’un Ange je croirais que c’est beau en vous lisant. Je n’en crois rien mais je vous remercie
[…]. Ce seront quelques heures de gloires volées à la vérité. Cela n’est pas non plus si mauvais qu’on le croit. C’est une porte qui mène ailleurs et [il] ne faut pas s’arrêter ni en compter les clous ou les chevilles.
Je viens ce matin et fais cent vingt vers qui valent à eux seuls dix chutes d’anges. Mais cela ne sent pas l’imprimerie c’est trop personnel et trop triste.
Je suis à la campagne seul malade et tranquille. J’étudie sans fatigue quelques grandes questions d’économie sociale. Je prends des notes. Je lis immensément mais ne fais rien.
Si vos congés d’écrivain vous laissent jamais liberté les ombres de St Points seraient heureuses de vous abriter. Elles vous doivent amitié et reconnaissance.

Je ne sais rien de la politique si ce n’est que je suis très impopulaire depuis qu’on croit s’apercevoir que je pourrai bien ne pas être un anarchiste. Le goût de ce Jacobinisme et un gout du terroir. Gout plat et apre qui ne fut jamais le mien. Aussi je me moque des mécontents mais la cloche sonne et m’appelle à un déjeuner de curés voisins. Je vous laisse pour moins aimable compagnie. Pensée surtout celle que vous voyez souvent dans nos soirées de la rue Bergen et vous prie de me rappeler à leurs bons souvenirs.
Tout à vous
Lamartine »


Grand roman épique et préhistorique en vers de Lamartine, La Chute d’un Ange est publié pour la première fois en 1838 par Gosselin et W. Coquebert. Il est initialement conçu comme fragment d’une épopée humanitaire dont Jocelyn est supposé l’ultime épisode. En 1838, l’ouvrage connaît un franc succès, mais la critique accable le poème. Il séduit pourtant les Hugo, Leconte de Lisle, et même Verlaine, qui voyait dans La Chute « des choses inouïes de beauté ».

Dans la seconde partie de la lettre, Lamartine se défend de soutenir la naissante mouvance anarchiste, à l’image de Proudhon. Le poète entre en politique en 1833, se ralliant à la monarchie de Juillet, mais sa pensée évolue jusqu’à la fin de sa carrière en 1851, le royaliste devenant républicain.