LAMARTINE (de), Alphonse (1790-1869)

Lettre signée « Lamartine » à Louis de Jacquelot
Paris, 8 9bre [novembre 1840], 2 p. in-8°

« Les circonstances graves dans lesquelles nous sommes trouvés m’ont fait sortir… de mon calme habituel en politique »

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Fiche descriptive

LAMARTINE (de), Alphonse (1790-1869)

Lettre dictée à sa femme Marianne et signée par lui « Lamartine »; à Louis de Jacquelot
Paris, 8 9bre [novembre 1840], 2 p. in-8°
Adresse autographe sur la quatrième page, bris de cachet
Annotation au crayon d’une autre main en marge supérieure de la première page et en marge inférieure de la seconde

Belle lettre de Lamartine au sujet de la situation politique à l’automne de 1840


« Pardon, mon cher monsieur., de n’avoir pas répondu plutôt à votre bonne et admirable lettre. J’en ai été bien reconnaissant, je vous assure, et je vous remercie du fond du cœur des sentiments qu’elle exprime(1).
Les circonstances graves dans lesquelles nous sommes trouvés m’ont fait sortir, à mon grand regret, de mon calme habituel en politique pendant mon séjour à la campagne. Je n’ai pu voir sans émotion l’abîme vers lequel on nous entraînait avec tant de rapidité ; je n’ai pu retenir un cri d’alarme(2). La sympathie des hommes de cœur et d’intelligence comme vous, m’est d’autant plus précieuse que c’est la seule à laquelle j’aspire, merci donc de celle que vous m’exprimez si bien.
Vous avez mille fois raison de vous plaindre, mais ce n’est pas un tort irréparable et dans la première édition des remerciements qui sera réimprimée, je réparerai ma faute bien involontaire, je vous le promets(3).
Adieu donc, mon cher monsieur, Mme de Lamartine vous remercie de vos démarches et de votre bon souvenir, moi je vous renouvelle l’assurance de mes sentiments dévoués et de ma haute estime.
Lamartine »


1- Jacquelot avait félicité Lamartine pour ses quatre articles sur La Question d’Orient, Le Ministère, parus dans Le Journal de Saône-et-Loire et repris par La Presse.

2- Lamartine fait sans doute allusion ici au troisième ministère Soult, dominé en fait par François Guizot, ministre des Affaires Étrangères . Il mène une politique conservatrice et favorable à la bourgeoisie d’affaires à qui profite le scrutin censitaire, le développement de la grande industrie, du crédit, du commerce et des moyens de communication, sans l’accompagner de mesures sociales propres à améliorer la situation du prolétariat urbain. Moins belliciste, Guizot poursuit une politique de rapprochement avec la Grande-Bretagne. La politique étrangère de Thiers en Égypte a, en effet, accru la menace d’un conflit franco-britannique.

3- Jacquelot avait dit au poète son regret d’avoir constaté que, si le « Toast des Gallois et de Bretons », écrit à sa demande, figurait bien dans les Recueillements poétiques parus en mars 1839, la dédicace qu’il attendait y manquait. Quant à la promesse faite ici par Lamartine, elle ne fut jamais tenue.

Le nom de Jacquelot de Boisrouvray [1798-1881] n’apparaît guère dans les biographies générales de Lamartine, pourtant celui-ci n’est pas inconnu des spécialistes lamartiniens. Son nom reste associé aux Recueillements poétiques dans lesquels on trouve le fameux « Toast » (dont il est ici question) rédigé par Lamartine en hommage à l’amitié inter-celtique : au faîte de sa gloire, Alphonse de Lamartine avait été sollicité pour se joindre à la délégation française en partance pour Abergavenny, près de Cardiff, le sachant proche de cette région anglaise depuis son mariage célébré en 1820 avec la britannique Mary-Ann Birch. Si la grande figure du romantisme français déclina l’invitation, un de ses amis, Louis de Jacquelot du Boisrouvray, présent parmi le groupe des sept Français qui firent le déplacement, était parvenu à le convaincre de rédiger une pièce en vers qu’il se chargerait de lire au cours du dîner de clôture. Lamartine s’exécuta et lui confia un Toast porté dans un banquet national des Gallois et des Bretons à Abergavenny dans le pays de Galles… Le manuscrit de Toast est conservé au château de Saint-Point [ancienne demeure de Lamartine], ainsi que quelques lettres de Jacquelot à Lamartine.

Bibliographie :
Correspondance, t. III, éd. Christian Croisille, Champion, n°40-173