MAUPASSANT (de), Guy (1850-1893)
Lettre autographe signée « Guy » à Lucie Le Poittevin
[Antibes ou Cannes, fin 1886 ou début 1887], 2 p. petit in-8°
« Je navigue beaucoup, je fais de l’escrime avec rage, je marche, je me livre donc à tous les exercices, sauf à…. l’affection. Mais je m’en passe »
Fiche descriptive
MAUPASSANT (de), Guy (1850-1893)
Lettre autographe signée « Guy » à sa cousine par alliance Lucie Le Poittevin
[Antibes ou Cannes, fin 1886 ou début 1887], 2 p. petit in-8° à l’encre noire
En-tête à son chiffre « GM – Yacht Bel-Ami »
Petite fente au pli en marge inférieure
Belle lettre inédite de l’écrivain enrichie d’une amusante signature
« Ma chère Lucie,
J’arriverai à Paris le 10 ou 12 janvier et je voudrais bien que M. Oudinot¹ eut fini ma serre² pour ce moment, car je ne resterai pas plus de 15 jours ou 3 semaines. S’il y a du danger pour la neige, voulez-vous avoir la complaisance de prier Le Mare de me faire pour tout de suite un treillage en fil de fer, solide, sur le second vitrage.
Vous allez recevoir dans quelques jours une grande caisse – port payé – contenant des objets pour vous et pour moi. Pour vous un grand cache pot en faïence avec son pied. Pour moi deux éléphants³ et quatre plaques de faïence.
Nous avons ici un temps superbe, le jardin plein de fleurs, de roses, d’anémones de narcisses ; et je préfère cela au grand froid et à la neige de Paris.
Je navigue beaucoup, je fais de l’escrime avec rage, je marche, je me livre donc à tous les exercices, sauf à…. l’affection. Mais je m’en passe.
À Bientôt, ma chère cousine, excusez moi si je vous écris si court, et si peu, mais vous savez que mes yeux ne me permettent guère ce genre de sport [un des symptôme de sa syphilis, diagnostiquée dès 1877 et qui ne cessera de l’empoisonner].
Je vous embrasse, à la barbe de Louis, dont je serre la main.
Votre Cousin
Guy dit Capitaine Tellier
Comᵗ le Bel-Ami
Bateau Poisson
Bᵗᵉ S.G.D.G⁴ »
[1] Camille Oudinot, dramaturge et romancier, est un intime de Maupassant. Ce dernier lui dédie sa nouvelle Le Parapluie, parue en 1884.
[2] Il s’agit de la construction d’une serre à La Neuville-Chant-d’Oisel. Jules de Maupassant, grand-père paternelle de Guy, entreposeur des Tabacs, obtient dans cette même ville une portion de 130 hectares sur laquelle, comme pour assurer une symétrie avec le château du Chant d’Oisel, il fait ériger une demeure en 1835. Plusieurs membres de la famille Maupassant et Le Poittevin y sont enterrés.
[3] Les « deux éléphants » dont il est question concernent sans doute le décor au-dessus des piliers d’entrée de sa demeure “La Guillette”, à Étretat.
[4] Si les patronymes que s’attribue Maupassant font bien entendu allusion à deux de ses œuvres les plus célèbres, une lettre contemporaine à la comtesse Potocka du 15 décembre 1886 nous éclaire sur les doubles sens de sa signature :
« Le Bel-Ami [son bateau] est un poisson de mer comme son nom l’indique : et il danse, en promenant son propriétaire, un vrai cancan de bal de barrière. Lui et moi sommes en ce moment dans le port de Cannes où nous a jetés, avant hier, un terrible coup de mistral, et où nous demeurons bloqués. J’espère me remettre en route demain matin, si le vent le permet. Depuis que je commande ce bateau symbolique j’ai pris le nom de Capitaine Tellier [allusion à sa nouvelle La Maison Tellier] ».
Quant à l’acronyme « Bté SGDG » (Bréveté sans garantie du gouvernement), on retrouve la même occurrence dans Bel Ami (Romans, éd. Forestier, Pléiade, p. 368).
Cousine par alliance de Maupassant, Lucie Le Poittevin, née Ernoult, est la fille d’un riche banquier de Rouen. Elle épouse le peintre Louis Le Poittevin, fils d’un des plus proches amis rouennais de Flaubert. Cousin germain et confident de Maupassant, celui-ci lui dédie sa nouvelle L’Âne, parue en 1883.
Provenance :
Collection particulière