MESRINE, Jacques (1936-1979)

Lettre autographe signée « Ton N°I el Viejo » à sa maîtresse Jeanne Schneider
Prison de Fleury-Mérogis, 3 décembre 1976, 3 p. in-4°

« Je ne suis pas un homme patient avec les 97% de pédés que sont la population générale… je risque d’en tuer un à la première discussion grave »

EUR 2.200,-
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Fiche descriptive

MESRINE, Jacques (1936-1979)

Lettre autographe signée « Ton N°I el Viejo » à sa maîtresse Jeanne Schneider
Prison de Fleury-Mérogis, 3 décembre 1976, 3 p. in-4°

Entre rage, rancœur et tendresse, Mesrine livre dans cette longue lettre un portrait sans concession de lui-même


« Nanou d’amour,
Bonsoir mon ange. Très agréable parloir, il est vrai que notre entente de ‘vieux amants’ est toujours au beau fixe. Dis-moi ma puce je te trouve un peu maigre… tu aurais besoin de prendre quelques kilos
[…] Oui mon ange, le juge Xuereb est un type très bien, je le trouve direct et surtout logique. Il te faudra garder le contact avec lui et un jour y aller avec Sabrina [la fille de Jacques Mesrine] pour qu’il constate son changement.
Dis-moi ‘mère-poule’, j’apprécie beaucoup tes conversations avec monsieur Monteuil, mais ne parle pas de mes conditions de détention et de mon isolement OK ma belle. Je suis isolé pour des raisons que je comprends très bien et même si cela est malgré tout injuste je n’ai pas à me plaindre de ma détention qui est très humaine sur tous les plans. On ne peut rien améliorer… sauf si on te met avec moi mais les réformes n’en sont pas là. Il est certain que cette solitude me pèse, mais je m’y suis préparé depuis longtemps par une discipline morale… et je cache si bien mes sentiments que personne ne peut savoir si j’en souffre ou pas… sauf moi. La seule chose que je sais, c’est que je suis un peu plus ‘fauve’ chaque jour… mais ça ! ceux qui se trouveront face à moi (si un jour la cage s’ouvre) pourront le regretter, car les cadeaux que j’ai pu faire dans le passé… je ne les referai jamais plus. ‘J’ai joué le jeu en acceptant de me rendre’… on a triché avec moi en m’isolant… tu sais mon ange, au Canada j’avais les mêmes promesses (on en avait ri) mais une fois évadé je les ai toutes tenues sans aucune exception. C’est ce côté ‘vengeur’ qui fait de moi un type dangereux… J’ai trop d’orgueil et je le sais. J’ai le dos au mur depuis longtemps et n’ai qu’un seul choix à faire, ou accepter de crever en cellule… ou me battre un jour pour ma liberté… mon choix est fait depuis longtemps et en attendant je suis ‘le détenu modèle’ à un coup de gueule près. Moi, je sais où je vais et je n’ai aucun souci pour mon avenir, car mon passé est une sacrée garantie. Tu sais mon ange un type comme moi en détention c’est presque impossible… car il y a tout de suite le ‘caïda’ et comme je ne suis pas un homme patient avec les 97% de pédés que sont la population générale… je risque d’en tuer un à la première discussion grave. Par contre j’aimerais avoir un petit chat, ça ! ça serait une sacrée compagnie… surtout moi qui les adore… mais là c’est peut-être demander beaucoup. Bien qu’avant ! plusieurs détenus en avaient en cellules ici.
Je suis d’accord pour Maxim’s le jour de ton anniversaire… mais je ne sais pas si c’est ouvert le lundi… de plus tu seras déçue ! J’y suis allé plusieurs fois et en dehors ‘des prix’ il n’y a rien d’exceptionnel… sauf un certain snobisme à y aller. Je crois qu’il y a mieux dans Paris
[…]
Voilà petite fille, ‘Mister’ votre z’époux termine par de doux bécots d’amour sur tout ce qui est toi… si tu es sage, je t’épouse… mais avant de faire une telle connerie… je vais consulter mes avocats – eh oui pour la corde au cou… j’ai le dois à ma demande de grâce !! présidentielle.
Je t’adore… pas plus compliqué que cela.
Ton N°I el Viejo »


Jacques Mesrine rencontre Jeanne Schneider en 1968. Elle est call-girl, dont les souteneurs auraint été abattus par Mesrine, selon ses dires. Après plusieurs larcins commis en Europe, tous deux fuient au Québec et poursuivent leurs activités criminelles. Ils passent plusieurs années en prison, et ce malgré l’acquittement du couple suite au meurtre d’Évelyne Le Bouthilier (patronne d’un motel à Percé où le couple Mesrine-Schneider avait résidé le soir de l’assassinat).
Rentrée en France pour purger sa peine à Fleury-Mérogis au début de 1973, Jeanne apprend que Mesrine vient d’être arrêté à Boulogne-Billancourt et condamné à 20 ans de prison. Fatiguée de cette vie de gangster, Jeanne Schneider finit par se ranger et rompre alors que Mesrine est toujours en prison. L’ennemi public numéro 1 ne s’arrête pas. Il condamne avec acharnement ses conditions de détention en QHS puis s’évade. Il tombe sous les balles de la BRI après 16 mois de cavale, le 2 novembre 1979, à l’âge de 42 ans.

Provenance :
Succession Jeanne Schneider