MESRINE, Jacques (1936-1979)

Lettre autographe signée « ton viejo » à sa maîtresse Jeanne Schneider
Prison de Fleury-Mérogis, 27 septembre 1976, 2 pp. in-4°

« Je dois casser ma pipe avant 40 ans. Il faut que la mort se dépêche  »

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Fiche descriptive

MESRINE, Jacques (1936-1979)

Lettre autographe signée « Mesrine Jacques » et « ton viejo » en fin de lettre, à sa maîtresse et complice Jeanne Schneider
Prison de Fleury-Mérogis, 27 septembre 1976, 2 pp. in-4° d’une écriture très serrée

Mesrine évoque les tracas familiaux puis, après quelques blagues graveleuses, fait une troublante allusion à sa mort prochaine


« Nanou d’amour,
Bonsoir petite fille. Ce soir ta lettre n°2 avec celles de Mury. J’espère que ta figure a eu pour effet de faire disparaître tes boutons… bien que j’en doute. C’est un empoisonnement que tu as eu, avec toute cette charcuterie pas étonnant. La bouffe est acceptable, mais moins bonne qu’à la [prion de la] Santé. Pas assez de viande saignante ici. Cela ne vaut la gamelle du chef… côtes d’agneau et petit rosé.
Au sujet de l’appartement de Clichy. Oui ma puce il y aura la télé. Si le poste n’y est plus je t’en ferai mette un OK. N’oublie pas que tu auras pour voisine madame Lauga qui est venue à l’auberge. Je suis certain qu’elle sera très gentille avec toi. Elle fait partie des gens sincères.
Mury me donne l’impression d’être plus calme et surtout plus raisonnable que Sabrina. Je viens juste de recevoir un télégramme de madame Sacazan me disant qu’elle ignore ou est Sabrina. Car je lui avais donné l’ordre de retourner chez Sacazan en attendant les évènements. J’ai l’impression que la môme est en « cavale ». Mon ange, ne la plaint pas cette fois. C’est une petite vacherie qui va apprendre le respect de certaines choses à ses dépens. La période des cadeaux est terminée. J’attends demain, le parloir avec ma mère, pour savoir si elle a été à ses cours. Si elle a déserté aussi sur l’école – je sais où la retrouver sans grand problème. Quel dommage qu’elle n’ait pas voulu comprendre – avec l’aide que je lui avais apportée, elle pouvait tout reprendre à zéro… « non » elle a préféré continuer son merdier. Enfin… n’en parlons plus pour ce soir. Tu me parles du cadeau que tu voudrais me faire pour notre mariage, c’est moi qui en ferai l’achat. Tu peux me faire confiance elle seront dans le pas mal ! mais nous avons le temps ! il faut avant que mon divorce soit prononcé. Normalement le juge vient le 6 oct. Là je serai à peu près fixé sur la date de ma « liberté »… il faut être fou pour la perdre à peine acquise… as-tu réalisé la peine que tu allais faire aux autres nanas, qui espéraient…
Je sais « à la vache » ! que veux-tu ma belle ! le mariage va faire tomber ma côte en bourse !! le vieux tigre piégé. C’est pas sérieux. Oui tu m’as eu ! tu n’auras pas de mal à me garder fidèle et dans vingt ans pour la nuit de noces Popole et les deux orphelines risquent d’être dans l’état de « Ramsès II »…  Il leur faudra un passage au Louvre pour la remise en état de marche. Je peux toujours les faire momifier pendant qu’elles sont encore présentables… Tu vas me dire qu’avec le progrès je pourrai toujours m’en faire greffer une de jeune étalon… pour satisfaire la vielle jument que tu seras devenue ! Rigole ma puce, c’est ça que j’ai voulu tirer de tes lèvres « un sourire ». Il faut bien rire un peu… il ne me reste que vingt ans à faire ! sauf si comme me l’a prédit il y a plus de 26 ans une femme… je dois casser ma pipe avant 40 ans. Il faut que la mort se dépêche car dans trois moi le cap sera passé. Tu n’auras pas cette chance de conserver ton célibat. Petite fille ton « Z ‘eune » « Z’époux » te bise et re-bise avec amour sur tout ce qui est toi… donc à moi. Je t’adore ça c’est nouveau !! Bonne nuit chaton x
Ton viejo »


Jacques Mesrine rencontre Jeanne Schneider en 1968. Elle est une call-girl, dont les souteneurs ont été abattus par Mesrine, selon ses dires. Après plusieurs larcins commis en Europe, ils fuient au Québec et poursuivent leurs activités criminelles. Ils passent plusieurs années en prison, et ce malgré l’acquittement du couple suite au meurtre d’Évelyne Le Bouthilier (patronne d’un motel à Percé où le couple Mesrine-Schneider avait résidé le soir de l’assassinat).
Rentrée en France pour purger sa peine à Fleury-Mérogis au début de 1973, Jeanne apprend que Mesrine vient d’être arrêté à Boulogne-Billancourt et condamné à 20 ans de prison. Les deux amants entretiennent dès lors une correspondance amoureuse. Fatiguée de cette vie de gangster, Jeanne Schneider fini par se ranger et rompre alors que lui est toujours en prison. Mesrine ne s’arrête pas, condamne avec acharnement ses conditions de détentions et s’évade. Il tombe sous les balles de la BRI après 16 mois de cavale, le 2 novembre 1979, à l’âge de 42 ans.

Provenance :
Succession Jeanne Schneider