MONTIJO (de), Impératrice Eugénie (1826-1920)
Lettre autographe signée « Eugénie », à Marie-Thérèse Bartholoni
Camden Place, Chislehurst, 16 mars 1880, 4 p. in-8°, papier de deuil
« J’espère, à mon retour, ou être plus forte ou n’avoir plus besoin de compter sur mes forces »
Fiche descriptive
MONTIJO (de), Impératrice Eugénie (1826-1920)
Lettre autographe signée « Eugénie », à Marie-Thérèse Bartholoni
Camden Place, Chislehurst, 16 mars 1880, 4 p. in-8°, papier de deuil
Très émouvante lettre de l’impératrice, évoquant son départ prochain pour le Zululand
Écrite le 16 mars, jour anniversaire de la naissance de son fils, cette missive annonce le pèlerinage que la mère endeuillée s’apprête à entreprendre en Afrique australe, sur les traces du Prince impérial, mort héroïquement le 1er juin 1879
« Ma chère Madame Bartholoni,
Merci des vœux que vous faites pour moi au moment de mon départ !
Vous me dites que vous comprenez le sentiment qui me guide et me fait entreprendre, malgré toutes les émotions et les fatigues, ce long voyage ! Si peu le comprennent malheureusement dans notre temps de profond égoïsme, que j’aime à le voir approuvé.
On vous a dit la vérité en vous assurant que je ne voyais personne.
Je serais, du reste, hors d’état de faire des adieux. J’espère, à mon retour, ou être plus forte ou n’avoir plus besoin de compter sur mes forces, de sorte que je vous prie de remettre à ce moment-là votre visite. J’espère aussi voir vos enfants quoique vous ne m’en parliez pas.
Vous craignez, et je vous en remercie, de me faire constater la solitude de mon foyer, mais mes propres malheurs ne sauraient changer l’intérêt que je leur porte.
Mes souvenirs à tous les vôtres et croyez à mes sentiments affectueux.
Eugénie »
Le prince impérial Louis-Napoléon Bonaparte (fils unique de Napoléon III et d l’impératrice Eugénie) est cadet, en Angleterre, de l’Académie royale militaire de Woolwich. Dans un élan bonapartiste, dont il est le dernier l’illustre descendant, il demande avec insistance son incorporation aux troupes britanniques d’Afrique australe pour participer avec ses camarades au combat contre les Zoulous. La reine Victoria l’y ayant finalement autorisé, il embarque en février 1879. Le , il participe à une mission de reconnaissance. À cheval avec quelques hommes, il arrive au lieu-dit Itelezi, à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Dundee. Lors d’une halte au bord d’une rivière où elle se croit en sécurité, la patrouille est surprise par des guerriers zoulous. Une fusillade éclate et deux soldats britanniques perdent la vie. La troupe s’enfuit à cheval. Le prince tente de regagner sa monture en courant. La sangle de selle, qui fut utilisée par son père lors de la bataille de Sedan et que le prince tenait à utiliser, est hors d’usage et cède sous son poids. Il chute alors violemment. Son bras droit est piétiné. Il n’a plus pour arme qu’un pistolet, qu’il ne peut manipuler que de la main gauche. Il succombe transpercé de dix-sept coups d’iklwa.
A la fin de mars 1880, soit moins d’un an après la mort tragique de son fils, Eugénie décide d’entreprendre, contre l’avis unanime de son entourage, un pèlerinage en Afrique du sud afin de se recueillir sur les lieux où son fils a perdu la vie. Elle entreprend ce voyage incognito sous son nom habituel de « comtesse de Pierrefonds ».
Filleule de Chateaubriand et dame d’honneur aux Tuileries de la princesse Julie Bonaparte, Madame Bartholoni (1833-1910) fut, par sa beauté, l’un des ornements de la Cour du Second Empire. Née Marie-Thérèse Frisell (1833-1910), elle fut l’épouse d’Anatole Bartholoni (1822-1902), qui fut député au Corps législatif de 1860 à 1869.
Madame Bartholoni tint un brillant salon, qui inspira Marcel Proust. L’écrivain le fréquenta activement dans les années 1897-1899, et fut également l’hôte du château de Coudrée, que les Bartholoni possédaient sur les bords du Lac Léman, entre Thonon et Genève. La conversation spirituelle de l’ancienne « belle de l’Empire » paraît l’avoir fortement inspiré.
Marcel Proust courtisa, un temps, une des trois filles de Madame Bartholoni, Louise dite « Kiki » (1857-1933), filleule de l’impératrice Eugénie.