[NAPOLEON 1er] BERTON, Jean-Baptiste (1769-1822)

Lettre autographe signée « Le Général Berton » à Joseph Bonaparte
Paris, le 11 janvier 1820, 2 pages in-folio

« Je donnerais la moitié de mon sang pour améliorer son existence »

 

VENDU
Ajouter à la sélection
Fiche descriptive

[NAPOLEON 1er] BERTON, Jean-Baptiste (1769-1822)

Lettre autographe signée « Le Général Berton » à Joseph Bonaparte
Paris, le 11 janvier 1820, 2 pages in-folio
Traces de pliures, infimes taches brunes en marge inférieure

Longue et remarquable lettre d’un bonapartisme flamboyant, écrite pendant l’exil de l’empereur à Sainte-Hélène


« Monseigneur,
J’ai reçu la lettre que votre Altesse Sérénissime m’a fait l’honneur de m’écrire le 1er Octobre 1819, elle m’est parvenue le 5 du présent mois. Je profite d’une occasion que m’offre Monsieur [Jacques] Laffitte Banquier et membre de la chambre des députés pour adresser à Votre Altesse Impériale un petit ouvrage que j’ai fait imprimer dans le mois de décembre dernier. Il faut réhabiliter beaucoup de gens épouvantés par nos malheurs à imprimer de nouveau et hautement leurs pensées et faire rougir, s’il est possible, ceux qui ont trahis des obligations et des devoirs pour obtenir des faveurs, qui ont renié le passé pour chercher à améliorer leur existence présente, qu’ont-ils prouvé par tant de bassesse, que leur ambition n’avait été engendrée par aucun noble sentiment, qu’ils n’ont jamais pensé à la Patrie, que leurs affections n’étaient que simulées, leur complaisance de l’hypocrisie, leur obéissance de la servitude, observations qui n’ont pas pu échapper mais on était dans la nécessité de se servir d’eux faute de mieux. Bien des personnages ont aperçu trop tard leurs sottises. L’opinion publique s’est prononcé sur eux définitivement, elle a fait justice.
Pour entendre quelques passages de ma brochure, il faut que Votre Altesse sache que je suis simple légionnaire depuis le 14 Mars 1806, que je n’ai eu que cinq cent francs de dotations sur le mont Napoléon. Je n’ai pas cessé de faire la guerre activement. L’empereur ne me connaissait pas et j’ai été longtemps dans les armées éloignées de lui, il n’a pu rien faire pour moi : j’ai tout acquis par mon épée. Eh bien, maintenant surtout qu’il est malheureux, je donnerais la moitié de mon sang pour améliorer son existence, je le dirais en face de tous les rois et si j’étais admis à exprimer devant eux ma pensée et sans doute qu’ils estimeraient ma franchise. Des millions de Français pensent de même, je le manifeste plus hardiment que les autres. L’opinion publique, aujourd’hui en France peut être comparée à un ballon colossal qui se gonfle tous les jours de plus en plus d’air électrique sous la direction de l’esprit national, l’air qui entoure cette grande machine est saturée de matière inflammable ; quelques frottements qu’elle éprouverait ferait bientôt craindre un vaste incendie dont il faudrait se rendre maître pour arrêter ses ravages.
L’Archiduc Charles d’Autriche à qui j’ai envoyé mon précis sur la trop fatale campagne de 1815 [campagne de Belgique notamment marquée par la défaite de Waterloo le 18 juin et à laquelle le général Berton prit part] m’a écrit une lettre admirable ; le Prince Eugène en a fait de même et le roi de Suède m’a envoyé la Croix de l’Épée d’or. Monsieur [Emmanuel] de Las Cases, cet homme si estimable m’a écrit également de Manheim, le 30 Xbre 1818 : La coïncidence de votre relation avec une autre dictée à (Ste-Elène) 3.000 lieues de vous doit-être pour vous une cause de vive satisfaction aussi bien qu’une espèce d’orgueil.  Il est maintenant à Liège, son fils est à Paris, je le vois quelquefois ; il m’a assuré que deux de mes précis étaient parvenus à Ste Elène. Madame [Albine] Montholon qui est à Bruxelles en a donné la certitude.
Je vois souvent de pauvres espagnols ici qui conservent de l’affection à Votre Altesse Impériale ; ils ne seraient guère plus heureux dans leur Pays : Tous les effets publiés y ont été annulés, plusieurs étaient entrés en France avec des Valés et n’ont pu en tirer parti : J’en ai, moi, pour quatre cent mille réaux qui se sont réduits à rien et c’est tout ce que j’avais rapporté d’Espagne. Notre gouvernement aurait pu en liquider à bon compte s’il avait payé avec ces valeurs
J’ai l’honneur d’être Monseigneur avec le plus profond respect de votre Altesse Impériale le très humble et très obéissant serviteur.
Le Général Berton »


Jean-Baptiste Berton, général d’Empire, fait ici référence à son pamphlet « Considérations sur la police, observations sur les bruits qu’elle répand », dans lequel il dénonce ceux « qui ont renié le passé pour chercher à améliorer leur existence présente […] qu’ont-ils prouvé par leur bassesse ? » Il se distingue à de multiples reprises par sa bravoure lors des campagnes napoléoniennes, notamment au sein la Grande Armée aux campagnes de 1805 à 1807, celles de 1808 à 1813 en Espagne, celle de 1814 au sein de l’armée du Midi et de 1815 à la campagne de Waterloo, à laquelle il fait ici référence.
La Seconde Restauration le met définitivement à la retraite, mais il reste un bonapartiste dévoué, comme en témoigne cette lettre.
Chef de la conspiration de Saumur prévoyant d’assassiner le roi Louis XVIII, il est dénoncé par des proches puis exécuté le 5 octobre 1822.

Joseph Bonaparte (1768-1844) est un homme d’État français et le frère aîné de l’empereur Napoléon Ier. Sa carrière politique, diplomatique et militaire est intimement liée à celle de son cadet. Il est successivement roi de Naples (1806-1808) et roi d’Espagne (1808-1813) pour finalement être contraint à l’exil vers les États-Unis après la période des Cent-Jours, du 20 mars au 8 juillet 1815. La mort de son frère, Napoléon Ier, et de son neveu, Napoléon II, fait de Joseph Bonaparte le premier héritier du trône impérial.

 

Provenance: Catalogue Charavay, Paris (1950)