PIAF, Édith (1915-1963)

Lettre autographe signée « Pupuce » à Yves Montand
Metz, 5 avril 1946, 2 pp. in-4° à en-tête de l’Hôtel de Metz

« Quand j’arrive sur scène, les gens gueulent et je n’ai pas encore chanté, tu vois que ma réputation va loin… »

EUR 2.300,-
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Fiche descriptive

PIAF, Édith (1915-1963)

Lettre autographe signée « Pupuce » à Yves Montand
Metz, 5 avril 1946, 2 pp. in-4° à en-tête de l’Hôtel de Metz
Traces de pliures d’époque, petites taches
Pour une lecture plus aisée, nous avons rétabli une orthographe juste

Tendre lettre d’amour de la Môme Piaf à son amant Yves Montand pendant sa tournée dans l’Est de la France avec Les Compagnons de la chanson


« Mon chéri chéri chéri.
Voilà déjà quatre jours que nous sommes séparés, tu vois, plus que 4 jours et nous serons à nouveau réunis pour un long temps, mon tout petit, su tu savais comme tu me manques, c’est effroyable, et quand je pense que tu doutes de mon amour j’en suis [deux mots caviardés de sa main] stupéfaite. Es-tu content de ton film ? [Yves Montant venait tenir le rôle principal dans Les Portes de la nuit de Marcel Carné, sur un scénario de Jacques Prévert] Tout marche-t-il comme tu l’espère ? Moi pour mon travail je n’ai pas à me plaindre, le succès est exactement comme je le désire, et puis il y a une bonne ambiance, les compagnons de la chanson sont vraiment adorables avec moi et c’est en même temps un programme de classe, mon petit zoupinet [Odette Laure] fait un gros boum et j’en suis contente et pour elle et pour moi. Tu sais, je n’ai pu t’écrire les deux premiers jours car nous sommes arrivés le soir à huit heures et j’avoue que j’étais morte, le lendemain nous avions la radio, puis la répétition avec l’orchestre et la soirée et le lendemain départ à dix heures du matin, alors je me suis dis que mon petit homme comprendrait et ne m’en voudrait pas. Nous débutons à Nancy ce soir et j’ose espérer que tout marchera comme partout, j’ai un peu la trouille car j’ai fait une tournée avec qui tu sais et nous étions passés par Nancy, alors j’ai un peu peur d’une réaction, remarque, il y a une chose curieuse, quand j’arrive sur scène, les gens gueulent et je n’ai pas encore chanté, tu vois que ma réputation va loin… hein ! Mon grand chéri donne moi des détails sur mon [sic : ton] film, as-tu été le voir ? Je voudrais bien savoir la réaction du public enfin on verra bien hein ? Les jours passent lentement tout de même, c’est long la vie par moment, mais ne soyons pas si pessimistes et ayons du cran ! Comment va notre chez nous ? Et toi ? M’aimes-tu toujours ? Moi, mon amour va chaque jour en grandissant. J’ai voulu te téléphoner hier mais nous sommes arrivés à six heures et comme tu m’as dit que l’on venait te chercher à six heures je n’ai pas appelé, d’autant plus qu’il fallait une heure d’attente, et puis à vrai dire je n’aime pas te téléphoner, tu es tout drôle et ça me fou le cafard, je ne suis pas là pour te prendre dans mes bras, pour t’embrasser alors te sentir loin et ne pouvoir rien faire quand je ne te sens pas heureux me rend malade. Dans tes lettres je te trouve tel que je voudrais que tu sois toujours, écris moi mon tendre aimé, écris moi les belles lettres que tu sais écrire. Je te quitte mon adoré et je te supplie de croire que je t’aime, que tu es ma seule raison de vivre, que sans toi ma vie est vide, que j’ai besoin de toi comme de ma respiration, laisse moi me réfugier dans tes bras et m’endormir avec tous mes rêves.
Pupuce »


Piaf et Montand se rencontrent en 1945 sur le tournage du film Étoile sans lumière. Elle a 30 ans et lui 24. Édith est déjà une immense célébrité. Montand n’en est qu’au début et il devra beaucoup à son amante. Selon sa folle générosité, elle le couvre de cadeaux, mais aussi de chansons qu’elle écrit pour lui. Elle le fait rencontrer tout ce que Paris compte de notoriétés, dont Cocteau.
Si Piaf se livre ici a de tendres déclarations d’amour pour Montand, les deux amants en arrivent néanmoins au crépuscule de leur relation. C’est l’une de ses toutes dernières lettres d’amour à Yves, mais le verbe n’en demeure pas moins passionné. Et comme pour peut-être se rassurer elle même, elle termine sa missive par une supplique plus douce qu’à l’accoutumé : « laisse moi me réfugier dans tes bras et m’endormir avec tous mes rêves ».
À cette même époque la Môme commençait déjà à fréquenter Jean-Louis Jaubert, membre-leader des Compagnons de la chanson (dont il est question en début de lettre), avec qui elle allait entamer une tournée américaine triomphante l’année suivante.

Source :
Piaf – Un cri vers Dieu, éd. Pierre Fesquet, Salvator, 2023