PROUST, Marcel (1871-1922)

Dessin original, dédicacé à Reynaldo Hahn : « R.H. (Bininuls) »
S.l.n.d [c. 1909 ?], 1 p. in-8° oblongue à l’encre noire sur papier vergé

Précieux dessin de l’écrivain dédicacé à son « Bininuls »

EUR 22.000,-
Ajouter à la sélection
Fiche descriptive

PROUST, Marcel (1871-1922)

Dessin original, dédicacé à Reynaldo Hahn : « R.H. (Bininuls) »
S.l.n.d [c. 1909 ?], 1 p. in-8° oblongue à l’encre noire sur papier vergé
Pliure centrale d’époque due à la mise sous pli, annotations au crayon d’une autre main au verso

Rare dessin original de Proust, représentant quatre voiliers chahutés par les vagues


Intitulé « Le Départ (gros temps) », ce précieux dessin représente quatre petits voiliers naviguant sur de hautes vagues, presque verticales, avec chacun à leur bord deux passagers tentant de maintenir avec difficulté les focs et grand-voiles. On peut observer la minutie avec laquelle Proust s’est appliqué dans les détails, jusqu’aux plus infimes, rendant ce dessin assez abouti.

Proust pastiche Turner
Admiratif des œuvres de William Turner reproduites dans The Harbours of England de John Ruskin, Proust laisse peu de doutes quant à son inspiration, tant les analogies sont frappantes entre son dessin et les reproductions figurant dans ledit ouvrage. Ce n’est d’ailleurs pas seulement dans les livres de Ruskin que Proust a pu voir les œuvres de Turner. Kazuyoshi Yoshikawa explique que dans un passage de La Prisonnière, le narrateur, attendant le retour d’Albertine, feuillette « un album d’Elstir, un livre de Bergotte » (RTP, III, p. 55). Dans une paperolle préparatoire se référant au même passage, Proust écrit : « Je prenais simplement un livre de Bergotte » (cahier 53, f° 20v°), et avait ajouté ensuite en interligne « feuilletais un album de Turner », avant de remplacer le nom de ce dernier par celui d’Elstir. Derrière le peintre de La Recherche apparaît ainsi William Turner en figure spectrale, aux côtés de Paul-César Helleu, Claude Monet ou encore Whistler.

Si la datation des dessins de Proust est presque toujours incertaine, celui-ci est à rapprocher de la lettre-dessin n°02041 (BIP n°52, François Proulx et Caroline Szylowicz), où figure la légende “vue de Lincoln (bensonge)”, datée par Philip Kolb du [vendredi 26 novembre 1909]. Ce dessin est aujourd’hui dans les archives du Harry Ransom Center au Texas. On peut citer une autre lettre-dessin inédite signalée dans Turner dans le port de Carquethuit, de Kazuyoshi Yoshikawa, où on trouve la légende “Entrée du Port de Dulwich par Turner (insvations et bensonge)”. Ces trois dessins pourraient former une série, que Proust aurait envoyée à Reynaldo Hahn vers la même date, soit le 26 novembre 1909.

Proust évoque dans d’autres lettres des “séries” de dessins qu’il élabore pour Hahn, par exemple dans sa lettre du [21 ou 22 mai 1906] où il écrit : “Je vous ai fait trente si jolis dessins que je suis on ne peut plus fasché de les avoir perdus […] car ils constituaient une critique hardie des différentes écoles de peinture” (Corr., t. VI, p. 87).

« (Ci-joint letterch de Picquart) »
Dans l’idiome d’inspiration médiévale qu’il n’utilise qu’avec Hahn, Proust ajoute cette énigmatique légende : « Ci-joint letterch de Picquart ». Ceci indiquerait-t-il que Proust aurait écrit une lettre-pastiche dans le style des lettres de Picquart ? Une autre conjecture plausible serait la copie d’une lettre du colonel Picquart publiée dans le journal Le Siècle du 9 juillet 1898 et envoyée en coupure par Proust à Hahn (cf. Jean Denis Bredin, L’Affaire, Julliard, 1983, p. 294). À moins qu’il ne s’agisse d’une lettre au sujet du sursis des treize jours de service militaire que Proust essayait d’obtenir pour son valet de chambre en demandant la médiation de Hahn auprès de Picquart, devenu ministre de la Guerre (Corr., t. VIII, p. 187-188).

Provenance :
Autographes littéraires et historiques, Lettres de Marcel Proust [Marie Nordlinger], (Drouot, 15 et 17 décembre 1958, lot 149 / n°1). Après la mort de Reynaldo Hahn en 1947, sa cousine Marie Nordlinger, qui avait aidé Marcel Proust dans sa traduction de Ruskin, en hérita.

Bibliographie :
BIP n°52, Les dessins de Proust à Reynaldo Hahn – Un inventaire, François Proulx et Caroline Szylowicz, 2022, p. 37, n°80099 – Un brouillon inédit de Marcel Proust : lettre pour la « Protestation Picquart », Pyra Wise, Éd. rue d’Ulm, 2009, p. 35 – n°4 – Turner dans le port de Carquethuit, Kazuyoshi Yoshikawa, Éd. rue d’Ulm, 2003, p. 45-46

Iconographie :
Lettres à Reynaldo Hahn, éd. Philip Kolb, Gallimard, 1956, p. 135
Philip Kolb avait pu obtenir de Marie Nordlinger un microfilm de l’ensemble des dessins de Proust adressés à Hahn pour les besoins de son édition de 1956, avant qu’ils ne fussent tous dispersés lors de la vente des 15 et 17 décembre 1958. Notre dessin ne fut donc publié qu’une seule fois et, bien que très élaboré par Proust et fourmillant de petits détails, nombre d’entre eux n’y figurent pas dans la reproduction des Lettres à Reynaldo Hahn, de facture modeste.