[RIMBAUD] DELAHAYE, Ernest (1853-1930)

Lettre autographe signée « Ernest Delahaye » à Marcel Coulon
Maisons-Laffite, 16 décembre 1924, 8 p. in-8

« Mathilde a bien le droit, en effet, que l’on parle en sa faveur. N’avoir su s’y prendre avec Verlaine n’est certes pas un crime »

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Fiche descriptive

[RIMBAUD] DELAHAYE, Ernest (1853-1930)

Lettre autographe signée « Ernest Delahaye » à Marcel Coulon
Maisons-Laffite, 16 décembre 1924, 8 p. in-8
Enveloppe autographe jointe

Lettre entièrement inédite enrichie d’une précieuse notice bio-bibliographique de Delahaye à son propre sujet, avec de nombreux renseignements qui nous étaient inconnus
L’ami d’enfance de Rimbaud, après avoir repris un vers de « Mauvais Sang », revient, entre autres, sur la relation impossible entre Paul Verlaine et son épouse, Mathilde Mauté


« Cher Monsieur Coulon,
Je suis très heureux et très fier de vous avoir plu en préfaçant Germain Nouveau (1). « J’attends avec gourmandise » – comme dit La Saison en Enfer (2) – votre Au Cœur de Verlaine et Rimbaud.
Même si c’est un peu sévère, j’ai par expérience la certitude que ce sera excellent.
Mathilde [Mauté] a bien le droit, en effet, que l’on parle en sa faveur (3). N’avoir su s’y prendre avec Verlaine n’est certes pas un crime. […] Mais, dès qu’elles ne sont plus jeunes filles, on ne peut exiger des femmes la gaieté… qui est un tic des hommes.
Vous voulez bien dire un mot sur moi dans votre histoire de Rimbaud. Bien reconnaissant, je vous envoie la petite (?) note relative à ma vie si insignifiante, pour peu que cela vous semble utile.
Mon plus grand désir, à présent, c’est d’avoir le plaisir de vous serrer la main chez notre ami Armand Lods.
Et j’allais oublier ! Saviez-vous que notre Adele Luzzatto a publié dans une revue romaine son pèlerinage en France « Sur les traces de Rimbaud »(4) ? Je ne connais pas l’italien, mais j’entreprends, avec un dictionnaire, de traduire cette jolie chose. Ce qu’il y a de piquant, c’est que la revue, Galleria, était une filiale du Corriere Italiano, journal de Cesarino Rossi, bel homme impliqué dans l’assassinat de Matteotti, qu’il est maintenant sous les verrous, en attendant que Mussolini le considère comme assez oublié et que Galleria était dirigé par Ardengo Soffici, un historien de Rimbaud (5) ? (Je ne devrais même point parler de Soffici, par pudeur, car il m’a donné autrefois son volume, je l’ai prêté et je ne sais plus à qui).
Excusez ce bavardage.
Et bien cordialement à vous
Ernest Delahaye »


1/ Germain Nouveau, Valentines et autres vers,  préface d’Ernest Delahaye, Messein, 1921.

2/ « J’attends Dieu avec gourmandise » (« Mauvais sang , 3 »)

3/ Marcel Coulon consacre en effet un chapitre de son livre au « Divorce de Verlaine ». Delahaye, qui ne rencontre Verlaine qu’en 187X, n’a pas connu son épouse. Dans une lettre à Marcel Coulon, le 25 juillet 1925, Delahaye parle de Mathilde comme « une petite parisienne comme il y en a des milliers », jugeant Verlaine « non mariable ».

4/ Adele Luzzatto rencontre et interviewe Delahaye à Maison-Lafitte en 1923. Elle devait rendre compte de son voyage en France, sur les traces de Rimbaud, dans Galleria, en mars 1924, et devenir une des premières rimbaldiennes italiennes, autrice de nombreux articles défendant les positions de Delahaye. Elle lui consacre une élogieuse notice nécrologique (La Cultura, janvier 1931).

5/ Ardengo Soffici (1879-1964) est l’auteur de la première monographie consacrée à Rimbaud publiée hors de France (Arthur Rimbaud, Firenze, La Rinascita del libro, coll. Quaderni della Voce, 1911).