[RIMBAUD] Paul VERLAINE (1844-1896)

Lettre autographe signée deux fois « P Verlaine » et « P.V » à Émile Bally
Paris [1er juin 1894], 3 p. 1/2 in-8° avec enveloppe oblitérée

« J’y figure, en compagnie de Rimbaud, Valade, d’Hervilly et trois ou quatre autres »

EUR 3.900,-
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Fiche descriptive

[RIMBAUD] Paul VERLAINE (1844-1896)

Lettre autographe signée deux fois « P Verlaine » et « P.V », à Émile Bally
Paris [1er juin 1894] – (cachet postal), 3 p. 1/2 in-8° avec enveloppe timbrée et oblitérée
Déchirures aux pliures consolidées au papier japon, infimes manques angulaires, brunissures
Légère décharge d’encre de la deuxième page sur la page opposée témoignant d’un pliage de Verlaine alors que l’encre n’était pas encore sèche

Le nostalgique Verlaine est à la recherche du Coin de table, souvenir d’un passé tumultueux aux côtés de Rimbaud


« Cher Monsieur Bally,
[Verlaine commence par présenter ses condoléances suite à la mort de quelqu’un puis répond aux ambitions poétiques de son correspondant] Figurez-vous que je suis au lit depuis un mois, sans pouvoir faire un pas dans la chambre. (Toujours la même jambe gauche !). Or j’ai un tas de paperasses, sur ledit lit, un peu éparpillées partout […]
Elle est très bien [l’épitre poétique d’Emile Bally], autant que j’en puis juger, moi ignorant l’allemand mais connaissant parfaitement les deux Faust par les traductions de Gérard de Nerval, de Blaze de Bury et d’un traducteur très exact, parait-il, dont le nom m’échappe en ce moment. Les vers sont bien rimés, dans le genre encore un peu classique qui sied là. En un mot vous pouvez à bon droit risquer une conférence (est-il temps encore ?)
Un service, si vous pouvez ?
Je vous ai-je crois, déjà parlé d’un amateur de Manchester
[Richard Crowley], mort il y a quelques temps, possesseur d’un grand tableau du maître Fantin-Latour, titré : Coin de table, et représentant, au dessert, autour d’une table ennuyemment garnie de vaisselles fines et de fleurs, quelques poètes fumant pour la plupart, de buste, grandeur nature.
J’y figure, en compagnie de Rimbaud, Valade, d’Hervilly et trois ou quatre autres, assis ou debout.
Le propriétaire est mort vous disais-je, et son père aurait hérité de cette œuvre qui date de 1872. Si ce monsieur existe encore, s’il est encore en possession du tableau, en cas contraire quel est l’acquéreur actuel de ce tableau ? Voilà ce qu’il m’importerait beaucoup de savoir. Pourriez-vous m’aider dans cette tâche. […] Verlaine »


Troisième d’une série de quatre « portraits de groupe », le tableau de Fantin-Latour avait pour projet initial de rendre à Baudelaire un hommage semblable à celui qu’il avait auparavant rendu à Delacroix. Ce portrait de groupe, aujourd’hui au musée d’Orsay, date du premier semestre 1872 et représente les poètes présents aux dîners des « Vilains Bonshommes », qu’Edmond Maître avait présenté au peintre. Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Léon Valade, Ernest d’Hervilly, Camille Pelletan, Pierre Elzéar, Émile Blémont et Jean Aicard y figurent. Albert Mérat avait refusé de poser en compagnie d’Arthur Rimbaud après l’incident survenu lors du dîner du 2 mars 1872.

Le tableau est exposé au Salon de 1872 sous le numéro 604. En dépôt chez le célèbre marchand d’art Durand-Ruel, ce dernier expose l’œuvre dans sa galerie rue Le Pelletier en septembre 1872. Le tableau est ensuite exposé dans la galerie londonienne du marchand en novembre de la même année sous le titre « a Few Friends » (n°22). C’est à cette même époque que Verlaine et Rimbaud, qui séjournent à Londres, se revoient sur le fameux tableau. Verlaine le relate à Edmond Lepeltier dans une lettre datant de novembre 1872 :
« […] Rien de neuf ici, si ce n’est la présence, entr’autres tableaux français (Manet, Monet, Harpignies, Renoir, etc.) du Coin de Table de Fantin. Nous sortons de nous revoir. Ça a été acheté 400 livres (10.000 fr.) par un richard [Crawley] de Manchester. Fantin for ever ! »

Richard Crowley achète en effet l’œuvre auprès de la galerie londonienne de Durand-Ruel le 16 novembre 1872 pour la somme de 200 livres. Elle reste dans la collection de la famille jusqu’en 1897.

Bibliographie :
Correspondance – Ad. Van Bever, Messein, vol. III p. 12
Verlaine et l’Angleterre – éd. Jean-Aubry, La Revue de Paris, p. 612